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Histoire du Maghreb تاريخ المغرب الكبير

Les Mérinides et les Shurafâ' -Le rapprochement politique-

L’idée de se rapprocher du shurafâ’ engageait par les Mérinides montre la politique de rassemblement nécessaire aux souverains pour la gestion des cités du Maghrib. C'est-à-dire que les Mérinides ont essayé de noyauter tout simplement l’ensemble des acteurs de la vie de la cité pour servir le centre du pouvoir aux près des masses populaires. Les shurafâ’, descendants d’Idrîs de la maison du Prophète, avaient une influence telle dans la société du Maghrib médiéval à l’époque des Mérinides que l’affrontement avec cette force n’était plus possible par les moyens classiques et militaires. Dans ces rapports de forces défavorables, les souverains se sont rapproché des shurafâ’ dans la dernière décennie de la dynastie. Les études sur ce phénomène nouveau spécifique d’Idrîs et ces descendants avaient fait couler beaucoup d’encres pour chercher son importance dans l’émergence de l’Etat sharifienne du Maghrib occidental et l’importance de la découverte du tombeau d’Idrîs. Ed., Michaux Bellaire adhère partiellement à la question des reconquêtes. Il invoque, à côté de l’impuissance des Mérinides, la menace que faisaient peser les Portugais. Ces derniers, surtout après la prise de Sabta (Ceuta) en 1415, constituaient un grand danger pour l’intégrité du territoire marocain. Le déclin des Mérinides et la menace portugaise contribuèrent l’un et l’autre au développement du soufisme et - par voie de conséquence- à la formation de loges religieuses (zawâyyâ). Cela conduisait à une plus grande décentralisation du pouvoir et les zawâyyâshurafâ’ du Maghrib (et donc aussi ceux qui habitaient hors de Fès, à la campagne entre autres) faisaient également remonter leurs propres origines au Prophète par Idrîs II (1) acquirent de plus en plus d’autorité. C’est dans cette conjoncture que la tombe a été découverte et que le culte d’Idrîs II put refleurir. Selon Michaux-Bellaire, le succès du culte d’Idrîs à Fès est lié au fait que la plupart des

Charles-André Julien, Mercedes Garcia Arenal et Mohamed al-Kabli -avec, pour chacun, une analyse, qui lui est propre - sont quant à eux, les représentants d’une théorie destinée à expliquer la découverte de la tombe et la naissance du culte d’Idrîs II. Julien affirme que le vizîr wattâside Abû Zakariyyâ’ Yahyâ, qui assumait la direction des opérations dans la lutte contre les portugais, espérait que la découverte de la tombe ferait de la capitale, Fès, la zâwiya par excellence. En même temps, la découverte de la tombe accroîtrait le prestige des shurafâ’, ce dont le vizîr espérait à son tour tirer profit (2).

Garcia-Arenal, voit dans la découverte de la dernière demeure d’Idrîs II, la conséquence du renforcement de la position d’al-shurafâ’ opéré par les ministres (vizîrs) wattâsides dans le but de servir leurs propres objectifs politiques (3). Quant à Maya Shatzmiller, elle estime que l’existence d’un culte d’Idrîs II aux XIIIe-XIVe siècles était un fait assuré. Elle parle d’une renaissance de cette vénération à Fès à partir de 718 H/ 1318. C’est en effet cette année-là, selon Shatzmiller, que le corps d’Idrîs apparaît. Elle considère que la découverte de la tombe d’Idrîs en 841 H/ 1437 est une répétition de l’événement qui se produisait dans la deuxième décennie du XIVe siècle (4). Dans sa vision des choses, le culte d’Idrîs II fait partie de la bataille idéologique engagée par les habitants de la ville de Fès contre les seigneurs mérinides. La littérature de cette période fait écho à cet antagonisme. L’historiographie de Fès et de la dynastie idriside, la poésie centrée sur le motif de l’épée d’Idrîs II et les écrits généalogiques sont des thèmes de légitimation qui ont opposé les shurafâ’ idrisides et les sultans mérinides, puisque les derniers voulaient à tout prix récupérer une partie de l’héritage historique des Idrisides.

Chez Kabli, enfin, nous trouvons une explication très nuancée de la découverte de la tombe et de la naissance du culte d’Idrîs II. Il rappelle qu’il a déjà été fait mention, au XIVe siècle, de l’existence de la tombe d’Idrîs dans la Mosquée des shurafâ’, sans que, au demeurant, l’on parlait d’un culte (5). AL-Kabli attire l’attention sur la politique du sultan mérinide Abû Sacîd cUtmân III (801-823 H/ 1399-1420) qui, pendant son gouvernement, avait pris des mesures préjudiciables aux shurafâ’. Après l’assassinat de ce souverain, affirme al-Kablî, la rivalité entre les groupes sociaux, à Fès et au Maroc, s’est accrue. Il y avait en particulier conflit entre les shurafâ’ et le mouvement soufî (6). Le vizîr wattâside s’efforçait de les monter les uns contre les autres. La découverte de la tombe d’Idrîs II et la fondation de la zâwiya auprès de sa tombe servirent à mettre un frein à l’influence des zawâyyâ soufî à la campagne. Pour ce qui est du prestige supplémentaire que cette découverte apportait aux shurafâ’, Abû Zakariyyâ’ Yahyâ voulait l’utiliser à ses propres fins (7).Signalons enfin un dernier point de vue, qui mis des doutes sur le culte d’Idrîs à l’époque mérinide, il s’agirait d’Afred BEL. L’auteur ne donne pas d’explication sur la naissance du culte d’Idrîs II, mais estime invraisemblable qu’il ait été réellement question d’un tel culte avant les dynasties des Sacdites et des cAlawites (8).

La question d’Ahl al-bayt avait commencé, à en croire Ibn Marzûq dans son livre écrit à la mémoire de son souverain Abû al-Hasan le mérinide, intitulé al-Musnad al-sahîh al-hasan fî ma’âtiri mawlânâ Abû al-Hasan, par une affaire communautaire liée au traitement d’un musulman qui travail chez un chrétien. Le qâdî avait mis le souverain au courant que le musulman en question se réclame d’une descendance sharifienne (nasab sharîf). Cette affaire avait pris des dimensions quand le souverain avait demandé à son qâdî et muftî Abû Ishâq Ibrâhîm b. Yahyâ de trouver une solution pour tous les gens descendants de nasab sharîf. Le souverain Abû al-Hasan et son makhzen ont fait un recensement de tous les gens qui ont des preuves écrites ou orales qui confirment leurs appartenances à la maison du Prophète (Ahl al-bayt) pour leur attribuer un salaire par personne qui les mitait à l’abri du besoin (9)

Le compromis qui a été trouvé entre le souverain et les fuqahâ’ malikite, ainsi que le grand sharîf (Kabîr al-shurafâ’) Abû cAbd Allâh b. cImrân officialise pour la première fois la place importante des shurafâ’ au sein du Maghrib mérinide. L’Etat prenait en charge la partie économique, mais en même temps, la politique d’Abû al-Hasan avait organisé et définie les prétendants à la généalogie d’ahl al-bayt. De l’extérieur du Maghrib occidental a qui les largesses sont attribuées s’était ce d’al-Haramayn, les Husaynides et les Hasanides. Au sein du Maghrib occidental, à la tête de la liste en trouve al-Jûtiyûn et les Idrisides d’origine avec ce qui entrait dans leur famille al-sulahâ’. Ces deux groupes sont suivis des shurafâ’ de Marrakech, Les fils de Barakât, puis les Husaynides de Ceuta, et des fils d’Abû al-Sharaf. A la ville de Tlemcen la liste d’al-Musnad signale seulement le qâdî Abû cAliy al-Sabtî et les fuqahâ’ cAlawites (10). L’ensemble de ces groupes ont eu un salaire par mois (muratabât shahriya) et un habillement (kaswa) au cours des fêtes du mawlid, prélevé sur les rentrés d’impôts à bayt al-mâl. L’appartenance à ahl al-bayt au Maghrib mérinide a constitué par la force des choses une force importante soutenu par les souverains et les fuqahâ’ malikites, puisqu’elle regroupe autour d’eux les populations citadines.

Il n’est pas surprenant qu’une partie des Berbères ont réclamé leur appartenance à la généalogie sharifienne, en particulier aux idrisides, puisque leurs descendants se sont dispersés à travers le Maghrib occidental comme gouverneur à l’époque idrisides et au moment de la persécution de Mûsâ b. Abî al-cÂfiya. Les Idrisides malgré leur appartenance shicite, il était considéré comme le pilier et la référence au premier Etat indépendant du Maghrib occidental. Cette légitimité historique et généalogique n’avait pas échappé aux mérinides et à leurs généalogistes (11). Qâdî al-jamâca de Fès Muhammad b Ghâlib al-Maknâsî connu sous le nom d’Ibn al-Sakâk (m., 818 H/ 1515) dans son ouvrage Nash Mulûk al-Islâm a consacré son travail sur les Ahl al-bayt, il a divisé les shurafâ’ du Maghrib occidental mérinide ont quatre catégories : la première des catégories très reconnaissable à première vue, puisque le sharaf se dégage de la personne (dât mukarama min ahl al-bayt). La deuxième catégorie La maison des célèbres shurafâ’ de Fès (Buyûtât mashâhîr al-shurafâ’) qui n’arrivait pas à la première catégorie, puisqu’il avait un doute sur leur appartenance. La troisième catégorie les venus des pays lointains (wâridûn), qu’il fallait reconnaître leur généalogie. La quatrième catégorie celle qu’il fallait douter de leur appartenance, puisqu’ils l’ont acquis par leur soutien au pouvoir, aux fuqahâ’ et aux qudât (Ahl al-hal wa al-caqd). Ibn al-Sakâk qui avait écrit à la fin des Mérinides à la demande de quelques shurafâ’ qui ont vu le changement radicale dans la politique sharifienne des Mérinides après le souverain Abû cInân, rejoignait Ibn Marzûq pour dire que les seuls shurafâ’ étaient les Jûtiyûn et les Siqiliyîn.

 

(1)-Note de HERMAN L. BECK, L’image d’Idrîs II, ...., éd., E. J. Brill, Leiden, 1989, p., 7. Sur ces dits de Michaux-Bellaire, La légende idriside et le chérifisme au Maroc, dans R.M.M., T., XXXV, 1917-1918. pp., 57-73, en particulier la page 63 sq. Parmi ces autres études, nous citons : Description de la ville de Fès, dans A.M., T., XI, 1907, pp., 252-330. Une tentative de restauration idriside à Fès, dans R.M.M., T., V, 1908, pp., 393-423. Quelques tribus de montagnes de la région du Habt, dans A.M., T., XVII, 1911, pp., 1-542.

(2)-Note de HERMAN L. BECK, L’Image d’Idrîs II..., p., 8. JULIEN, Ch.-A., Histoire de l’Afrique du Nord..., p., 198 sq. BEN TALHA Abdelouahed, Moulay-Idrîs du Zerhoun. Quelques aspects de la vie sociale et familiale, Rabat, 1965, p., 12. DRAGUE Georges, Esquisse d’histoire religieuse du Maroc. Confréries et zaouïas, Paris, s.d., p., 47.

(3)-GARCIA-ARENAL Mercedes, The revolution of Fâs in 869 H/ 1465 and the death of sultan cAbd al-Haqq al-Marînî, dans B.S.O.A.S, T., XLI, 1987, pp., 43-66.

(4)-SHATZMILLER Maya, Historiographes mérinides..., pp., 44-51. Premiers mérinides...., p., 110. Historiographie mérinide..., pp., 138-147. Parmi ces travaux, nous citons: les historiographes mérinides du XIVe siècle et Ibn Khaldûn, thèse du Doctorat préparé sous la direction du Professeur Robert Mantran, présentée à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Aix-Marseille (Septembre 1974). Les premiers mérinides et le milieu religieux de Fès : l’introduction des médersas, dans S.I., N° 43, 1976, pp., 109-118. Les circonstances de la composition de Musnad d’Ibn Marzûq, dans Arabica, XXII, 1975, pp., 292-299. Etude d’historiographie mérinide. La Nafha al-nisrîniyya et la Rawdat al-nisrîn d’Ibn al-Ahmâr, dans Arabica, T., XXIV, 1977, pp., 258-268. Islâm de campagne et Islâm de ville. Le facteur religieux à l’avènement des Mérinides, dans S.I., N° 51, 1980, pp., 123-136. L’historiographie mérinides. Ibn Khaldûn et ses contemporains, Leiden, 1982. Une source méconnue de l’histoire des Berbères : Le Kitâb al-ansâb l-Abî Hayyân, dans Arabica, T., XXX, 1983, pp., 73-79.

(5)-KABLI Mohamed, Musâhama fî al-ta’rîkh..., p., 47.

(6)-Ibid, pp., 35 -36 - 44.

(7)Ibid, , pp., 49-50.

(8)-BEL Alfred, Inscriptions arabes de Fès. Extrait du Journal Asiatique (1917-1919), Paris, 1919, p., 11. Ces autres Travaux : notice sur l’ouvrage intitulé éd-Dorar es-Sanîya, dans Actes du XIVe Congrès International des Orientalistes, Alger, 1905. IIIe partie, Paris 1908, pp., 160-167. Le sûfisme en Occident musulman..., pp., 145-161. Les premiers émirs mérinides et l’Islâm, dans Mélanges de géographie et d’orientalisme offerts à Gauthier, tours 1936, pp., 34-44. 

(9)-IBN MARZÛQ, al-Musnad..., 147-148.

(10)-Ibid, pp., 151-152.

(11)-Dans la mémoire populaire, les Idrisides ont contribué à l’islamisation du Maghrib occidental. cUqba b. Nâfic reste la légende et au début du VIIIe siècle, la région du Maghrib al-Aqsâ avait connu deux fortes personnalités Mûsâ b. Nusayr (de 712 à 715) et Ismâcîl b. cAbd Allâh (de 718 à 720). Leur campagne d’islamisation dans un contexte historique très particulier, avait fait ces preuves. Malgré les réactions et la résistance des populations berbères, la politique du rassemblement et d’intégration des Berbères dans l’armée arabe avait donné des résultats à long terme dans le domaine de la conversion à l’islâm. De toute façon, les généraux arabes avaient mené une politique habile qui consistait à dire que le droit de participer à la guerre sainte, donnait automatiquement le droit à une part du butin de guerre, le tout lié à l’adhésion à l’Islâm. Une fois les masse berbères intégrées à l’armée arabe, le processus de l’islamisation a trouvé sa continuation dans l’effort des savants et les compagnons du Prophète qui a assuré l’enseignement de la nouvelle religion (IBN cIDÂRÎ, al-Bayân......, T., I, p., 50.). Le christianisme et le judaïsme, ainsi que d’autres croyances, étaient répandus au Maghrib occidental. Nul ne doute des efforts des gouverneurs arabes, ils avaient fait beaucoup pour l’islamisation de la région, mais certaines tribus avaient résisté à ces campagnes d’islamisation (IBN KHALDÛN cAbd al-Rahmân, al-cIbar...., tx., ar., T., IV, p., 17 et tx., fr., trad., DE SLANE, « Histoire des berbères, T., I, p., 209. IBN ABÎ ZARc, Rawd al-qirtâs..., pp., 20-21. IBN KHALDÛN cA., dans al-cIbar, signale les noms des tribus Fandalawah, les Madyûna, les Bahlûla, les Ghiyâta et les Fazâz des tribus de confession juives, chrétiennes ou païennes).

    Les Idrisides après la constitution de leur État ont mené des campagnes militaires dans le Tamasna, Chalâ, Tâdla et dans les régions qui les entourent, dont les textes nous informent que la majorité des populations étaient de confessions juives, chrétiennes ou païennes (IBN KHALDÛN cA., al-cIbar..., p., 17.). La première expédition en 172 de l’hégire, les Idrisides ont touché trois régions : la ville de Châla, une partie de Tamasnâ et Tâdla. Dans ces régions, ils n’y avaient que quelques musulmans, les juifs et les chrétiens en constituaient la majorité (IBN ABÎ ZARc, Rawd al-qirtâs..., tx., fr., p., 16. La deuxième expédition en 173 H/ 789, était dirigée contre les rassemblements des berbères juifs, chrétiens et idolâtres qui se sont retranchés et fortifiés dans les montagnes et châteaux inaccessibles, en particulier les forteresses des Banû Lûata, des Madyûna, des Bahlûla et des Ghiyâta (IBN ABÎ ZARc, Rawd al-qirtâs..., p., 16.). L’Imâm Idrîs, qui voulait un territoire plus vaste pour instaurer un régime politique, ne pouvait que confisquer des terres et des biens qui lui revenaient par la règle de la conquête d’un territoire d’autant plus que ses populations portent l’autre foi à combattre. De ce fait, les shurafâ’, descendants d’Idrîs ont un enracinement historique qui peut revendiquer les terres de la conquête (cunwa).

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