28 Septembre 2007
Dans leur recours à la doctrine juridique malikite, les souverains mérinides ont désigné à la tête des grandes institutions du royaume des fuqahâ’. Juriste de formation, l’entourage de ces souverains, ou se côtoie poètes, mathématicien, juriste, historien, géographe, allait jouer favorablement dans la naissance d’une culture officielle au sein du pouvoir centrale. La politique mérinide interventionniste au niveau de l’enseignement, comme dans l’institution judiciaire applique en priorité la mesure du privilège de l’individu et son attachement à la famille cAbd al-Haqq. Pour les Mérinides, s’imposer comme champion d’une doctrine, qui a pris racine dans les milieux citadin depuis des siècles, quand ont véhicule ces origines monades posent un sérieux problème. Devenir le garant de la vie publique de la communauté et représentant religieux dans le contexte du Moyen-Age, demande que la prise du pouvoir et sa mise en place repose sur un teint idéologique clair et un projet issue d’une personnalité représentant de la religion. Les Mérinides n’avaient pas cette légitimité fondatrice (mashrûciyat al-ta’sîs) des grandes dynasties du Maghreb. Ces handicaps ont les remarques dans la période de l’allégeance d’un grand nombre de cités du Maghrib et de l’Andalousie aux califes hafsîdes. Les Mérinides eux-mêmes ont fait recourir aux Hafsîdes pour légitimer leur prise de pouvoir.
Affirmer son attachement à l’Islâm est pour les souverains un impératif indispensable pour gouverner, et pour cela, il leur faut une doctrine officialiser et reconnu pour gérer le royaume et la communauté. Le malikisme reste donc la doctrine sur laquelle il faut compter aux yeux des Mérinides. Pour conforter sa place dominante, les souverains mérinides ont instauré une préférence d’abord au sein du royaume, puisque les juristes ont administré les grandes institutions. L’enseignement privilégiait la jurisprudence avec une souplesse vis-à-vis des autres disciplines. De ce point de vue, les Mérinides n’ont pas seulement assuré l’émergence du malikisme, mais ils ont en priorité écartée le retour du mahdisme, même dans sa version hafsîde. Le compromis a été donc fait entre le retour du malikisme et la légitimité des Mérinides, un compromis qui a réussi malgré sa nature complexe et curieuse.
Les Mérinides ont mis en place l’une de leurs réformes à la fois originale et controversé. La création des écoles, fondations à caractères pieuses réservées à l’enseignement, étaient l’une des réformes mérinides alléchante en vers les malikites du Maghrib occidental. Elles représentent l’institution par excellence pour la formation des fonctionnaires du royaume mérinide: qâdî, kâtib, serviteurs du pouvoir et porte-parole du gouvernement central. Le premier qui a inauguré cette tradition le sultan Yacqûb b. cAbd al-Haqq (657-685 H/ 1258-1286) par la fondation de madrasat al-Saffârine dans la ville de Fès, avant lui les Hafsîdes de Tunis ont fondé la première école en Occident musulman en 1249. En 721 H/ 1321, l’émîr Abû al-Hasan avait fondé madrasat al-Sahrîj, puis madrasat al-Sabâghîn dans la même année. En 726 H/ 1326 la fondation de madrasat al-cAttârîne. En 749 H/ 1348, et al-madrasat al-Misbâhiya. Son fils Abû cInân avait fait de la madrasa al-Bucnâniya, l’édifice le plus prestigieux de son règne. La madrasa, lieux de prière et Mosquée, avait servi aussi de lieux d’enseignement et d’habitat pour les étudiants ruraux, comme par exemple la Misbâhiya avec ces cent dix-sept chambres pour les étudiants. La madrasa est un complexe architectural où les étudiants, les enseignants et les visiteurs trouvent au côté de l’enseignement et de la prière, des annexes comme la maison d’ablution (dâr al-wudû’), la maison des horloges et des boutiques de commerçants (hubûs au profit des écoles).
La porté politique de la fondation des madrasa est loin de faire l’unanimité. Les Mérinides n’étaient pas les seuls à procéder à la construction de cet édifice, les Umayyades et les cAbbâsides en Orient comme les Almoravides et les Almohades avaient rivalisé dans ce domaine. La loi religieuse sur les dépenses superflue n’était plus opérantes depuis longtemps. L’opposition exprimée par les intellectuels de l’époque mérinide repose sur la méthode de l’enseignement. Al-Âbilî, disciple d’Ibn al-Bannâ’ et maître du célèbre Ibn Haldûn dénonce le scandale et l’erreur de la madrasa: « elles nuisent à la science parce qu’elles attirent les étudiants par la pension et les avantages matériels qu’ils reçoivent. C’est pour ces raisons que, s’adressant aux maîtres que les gouvernants désignent pour la direction ou l’enseignement dans ces écoles, ils détournent en réalité de ceux représentant la véritable science; ceux-là ne sont pas invités à enseigner dans les madrasas ou, s’ils l’étaient, ils auraient refusé ou n’auraient pas rempli aussi docilement que d’autres la mission d’y enseigner». En effet, tous les savants de l'occident musulman n’étaient pas favorables à cette institution qui replace la tradition de la rihla pour rencontrer les savants à travers les centres culturels de la maison de l’Islâm. Mais les Mérinides qui se voulaient s’affirmer sur la scène culturelle pour des raisons de légitimation et d’origines pastorales tenaient à cette politique d’étatisation de l’enseignement. Ces cet interventionnisme direct du pouvoir qui constitue l’originalité de la politique mérinide par rapport à leurs prédécesseurs. Par conséquent, une partie des lettrés du Maghrib l’ont contesté comme une innovation. La tradition de l’enseignement d’al-Qarawiyîne était le cadre général. Les sciences traditionnelles (culûm naqliya), la jurisprudence (fiqh), l’exégèse coranique (tafsîr), la tradition prophétique (hadît), avec la langue et la grammaire (lugha et nahw). Les sciences rationnelles (culûm al-caqliya), la logique, les mathématiques, la philosophie, la médecine l'astronomie, cet ensemble a été les bases de l’enseignement.
L’expérience des malikites almoravides et leurs échecs dans la gestion de la question du livre
Ihyâ’, ainsi que l’échec du rationalisme almohade ont pesé lourdement dans l’évolution du malikisme à l’époque des Mérinides. La tradition malikite avait changée de méthode de gestion
des questions sensibles, l’ouverture était de mise vers les disciplines qu’on avait longtemps considérer comme un danger pour la bonne tradition, le rationalisme almohade la tendance mystique en
Islâm a fait l’objet d’étude malgré leur caractère polémique aux yeux des fuqahâ’ (1).
N: Ibn al-Bannâ’ était docteur de la tradition sunnite, amis des soufîs, avant même d’être mathématicien et astronome. Ibn Qunfud, jurisconsulte de formation, il s’est intéressé aux saints et aux disciples d’Abû Madyan. Al-Shâtibî, juriste, mais reconnu comme soufî. L’évolution du malikisme qui a opéré un retour à l’époque mérinide sorte d’une crise enregistrée au temps des Almohades, mais sans entamer un retour rigide à l’enseignement des Almoravides.