15 Mars 2007
Al-maqsad al-sharîf d’al-Bâdisî (1), vient nous rappeler que les personnages méritants, les saints, qui résidaient dans le Rîf du Maghrib almohade ont influencé les califes, malgré leur doctrine de l’almowahidisme et du mahdisme. Le premier d’entre eux est le gnostique, le saint, Abû Dâwûd Muzâhim, qu’il considérait comme le modèle des maîtres en états mystiques et en paroles. De la tribu des Banû Wartardâ entre la rivière de Nakûr et la rivière de Mûlwiya. Le saint Abû Dâwûd, dès son jeune âge, était allé en Andalousie pour faire ces études durant une vingtaine d’années, à son retour il rejoint le maître du soufisme Abû Madyan Shucayb al-Andalusî à al-cUbbâd dont il était l’un de ces disciples. A son retour d’al-cUbbâd, il avait fondé un ribât sur le littoral du Rîf, dans une zone de conflits entre les chrétiens et les musulmans. Célébrité dans le pays, auteur de prodiges confirmé par une transmission ininterrompue (tawâtur) reconnu par les masses populaires, Abû Dâwûd Muzâhim était un protecteur du littoral de la Méditerranée contre la piraterie chrétien (2).
Le texte d’al-Maqsad introduit le principe d’al-amr bi-al-macrûf wa al-nahy cani al-munkar qui sorte de l’ordinaire, puisqu’il n’était pas tout à fait classique comme l’en trouve dans le programme des réformateurs musulmans. Ce n’est ni la force, ni la parole, ni le cœur, les trois niveaux pour appliquer ce principe, mais chez ce saint ces l’œil qui remplace les trois niveaux d’action pour appliquer le principe d’al-amr wa al-nahy. L’état psychologique du saint Abû Dâwûd, peine intense, dès qu’il voit un munkar, déclenche simultanément un châtiment, une sentence qui était en dehors de sa volonté (3). De ce fait la perte de vue du saint à la fin de sa vie était une demande et un souhait du saint lui-même : « Yahyâ b. cAliy al-Ghassâsî a dit qu’il ne pouvait voir de ses yeux quelqu’un commettre une action interdite sans que celui qui la commettait pérît. « O mon Maître, dit-il alors, tu as fait de ma vue une cause de dommage pour la nation de Muhammad : débarrasse-m’en donc ! » Et il perdit la vue ». En demandant la perte de la vue, moyen pour rendre la justice, Abû Dâwûd sacralise la notion de bien, un fondement sur lequel il s’est déplacé à la région de Fès chez Abû Zayd b. Hiba, disciple d’Abû Madyan, juriste, vertueux et ascétique, dès qu’il a eu connaissance de ces invocations contre les gens qu’il lui faisait du tort. Abû Dâwûd lui dit : « O Abû Zayd, fais le bien mais ne fais pas le mal » (4). Le rôle social d’intermédiaire sur lequel al-Maqsad insiste était lié à la stature de l’homme et à sa sainteté dans son milieu rifain.
Le rôle social des saints du Rîf représenté par Abû Dâwûd, ne nous laisse pas indifférent vis-à-vis des relations d’Abû Dâwûd avec les Almohades. Dans le texte d’al-Maqsad le prince des Almohades fils d’Abû cAbd al-Mu’min b. cAliy était atteint de la maladie de la lèpre (baras), son cas très difficile pour les médecins, il avait fait recours au saint de Battûya. Le calife almohade avait envoyé son émissaire pour faire venir le saint à la capitale Marrakech. Dans les discussions entre les deux hommes, il ressort la conduite adoptaient par les saints vers le pouvoir politique centrale. Dès le début de la discussion, la question des biens de l’almohade étaient rejeté, le saint refusait de monter le cheval excellent (râ’ic) envoyait par le calife. Donc le saint avait accepté sans réserve de soigner le Commandeur des Croyants, mais sans contrepartie. Dès son arrivé, le Commandeur des Croyants lui exposait le mal et demande sa baraka pour sa guérison, après avoir reconnu les prodiges du saint. Le texte d’al-Maqsad nous trace la manière avec laquelle le saint Abû Dâwûd avait fait quérir le calife : « comme tu vois, lui répondit le maître, j’ai perdu la vue, mais fais ce que je vais te dire : peut-être Dieu placera-t-il en cela ta guérison ! Puis, ayant pris de sa salive sur l’index de sa main droite, il dit au Commandeur des Croyants : » prends, de ta main, mon index que voici et pose-le sur l’endroit où est ce mal ! Le souverain fit cela plusieurs fois, dit-il, tandis que le maître remettait de sa salive sur son index : le Commandeur des Croyants guérit à l’instant et en ressentit une joie immense » (5). Le texte signale les festivités qui ont suivi la guérison du calife, en distribuant des repas et des sommes d’argent aux pauvres et aux malheureux. Le saint faiseur de bien sans distinction avait accepté de soigner le calife, il était aussi à l’origine de ces distributions d’argent et de nourriture. Le texte continue à relater la conduite du saint vis-à-vis de la contrepartie financière que le saint refusait en répondant au calife : « O Prince ! lui dit-il, je possède (en fait de terre) l’équivalent de la paume de la main ; dont le tiers est constitué par des pierres (il voulait parler d’un champ qui lui appartenait) : c’est lui qui me dispense de prendre ton argent ; je me suis chargé de le travailler et mon Patron s’est chargé de le faire prospérer ! » (6).
Le texte confirme les relations qu’entretenaient les saints avec l’argent, en particulier l’argent émanant d’une autorité politique. Dans l’histoire qui avait suivi ce refus le parallèle entre l’argent et le mal était établi clairement, puisque l’un des ministres avait donné en cachette une somme d’argent en dirhams à Yûsuf le fils du saint Abû Dâwûd. Ce dernier avait deviné l’affaire, il s’est adressé à son fils : « tu as pris l’argent du sultan, Satan ! Que Dieu te fasse mourir pauvre ! ». Les deux informateurs Abû cAqîl et Yahyâ b. cAliy ont confirmé que parmi tous les enfants d’Abû Dâwûd, Yûsuf n’avait cessé d’être pauvre jusqu'à la fin de sa vie (7).
Les présentations faites par al-Bâdisî du saint du Rîf Abû Dâwûd montre qu’il représente, comme d’ailleurs d’autre la ligne de ces saints de campagne, qui ont joué leur rôle social dans un espace réduit au sein des populations paysannes. Leur contacte très brève avec les autorités ne leur rapporte ni les privilèges qu’il récusait par principe, ni le charisme. Ces catégories de saints populaires loin des enjeux politiques et doctrinales des centres urbains, étaient dévouées à la cause sociale des populations. Les vies de ces saints relataient par les textes, hagiographiques à l’époque almohade confirme en tout cas la continuité de la question du service sociale, de la révélation (mukâshafa), de la métamorphose en lion, du surnaturel. Le style et le contacte avec l'autorité politique n’avait pas changé malgré le changement politique du centre.
La littérature hagiographique est directement liée au waliy (al-wâsil) qui était en réalité un murîd débutant lié aux rapports sociaux et à la vie de la cité et du pays. C’est-à-dire que le waliy dans ce type d’écrit est dès le début est mis hors de la période historique et la situation de la société ambiante. Abû Muhammad Sâlih d’Asafî reste un exemple important des ‘awliyâ’ au Maghrib occidental. Parmi les ouvrages qui traitent de ce personnage, nous citons tout d’abord le texte d’Ibn al-Zayât dans al-Tashawuf. Rihlat d’al-cAbdarî, qui parle du waliy et son tombeau d’Asafî, puis il vient à la troisième position Kitâb al-minhâj du neveu du saint. Al-Maqsad al-sharîf d’al-Bâdisî. Mafâkhir al-Barbar. ‘Uns al-faqîr d’Ibn Qunfud. L’ensemble des sources que nous avons citées à titre indicatif faisaient l’éloge de la martaba du shaykh, sa popularité au Maghrib et trace le mystère d’une vie du waliy le plus respecté par ces paires à l’époque almohade.
La naissance d’Abû Muhammad était en 550 H et sa mort en 631 H. La naissance coïncide avec l’avènement de la dynastie almohade et sa victoire dans les terres fertiles d’al-Gharb en 544 H. Une victoire sur les tribus Bûrghwâta et les tribus Doukkâla considérait par les textes historiographiques comme une opposition en dehors du système étatique almoravide. D’ailleurs l’historiographe almohade al-Baydaq d’écrit une situation dur très agité sur le plan militaire. La naissance d’Abû Muhammad et son évolution coïncide avec une période historique où les Almohades ont utilisé tous les moyens pour parvenir à la suprématie de la doctrine d’Ibn Tûmart. Le début tragique finissait par une autre tragédie à la fin de sa vie. Il a assisté au déclin du pouvoir almohade en Andalousie et au Maghreb. Les deux situations expliquent en partie une vie difficile politiquement. Il nous annonce en tout cas les relations d’opposition et d’affrontement entre le waliyshaykh et l’emprisonnement de son fils. et le pouvoir almohade, qui allait se solder par la persécution de la famille du
Abû Muhammad avait fait son apprentissage en Orient, durant une vingtaine d’années. Nous ne connaissons que peut de chose sur cette période. Ces mashâyikhs sont cités par al-Minhâj parmi eux Abu Tâhir b. cAwf et son fils Abû al-Najm, Abû Muhammad cAbd al-Wahâb, le faqîh Abû Sacîd Makhlûf b. Ghabâra, Abû Tâlib Ahmad b. Rajâ’ al-Lakhmî, Abû al-cAbbâs Ahmad b. Muhammad al-Sulâmî, Abû cAbd Allâh Muhammad b. Bakr al-Karkarî et le ghawt de Tlemcen Abû Madyan etc. Le retour d’Abû Muhammad Sâlih à son pays, reste particulièrement intéressant et productif. Originaire de la ville de Safî et son actuel patron. La ville côtière de l’Atlantique, célèbre par ces fortifications, doté d’une muraille, la ville a possédait les deux lieux important de la cité, la mosquée et le ribât. La fondation de ces lieux aux dires d’Ibn al-Khatîb, était l’ouvre des hommes pieux et des dévots (8). Le ribât d’Abû Muhammad Sâlih, dominait la ville de l’extérieur. Il avait sa propre mosquée, les logements pour les disciples et surtout pour les pèlerins. Grâce aux offrandes des populations au saint Abû Muhammad Sâlih des distributions de vivres sont mis en place dans les moments difficiles. Le saint avait optait pour le tawakkul et vit dans le dénuement total, contrairement à un grand nombre de saints contemporains, qui prêchent le travail manuel (9).
Le credo d’appeler les gens au pèlerinage reste la caractéristique importante de son action au milieu des populations. Le ribât du shaykh fondé à cette occasion est devenu l’outil important pour organiser cet acte collectivement. Pour comprendre ce discours, il faut retenir l’opinion majoritaire des traditionalistes, les fuqahâ’ du Maghrib et de l’Andalousie, depuis le Ve siècle, ont retenu la notion de « isqât farîdat al-haj calâ al Maghrib ». L’abondant de l’acte du pèlerinage, cinquième pilier de l’islâm, pour les gens du Maghrib était justifié par l’absence de la sécurité sur les routes à cause des tribus nomades Banû Hilâl installé dans le pays d’Ifrîqiya. Le Pèlerinage devient aux yeux des malikites (macsiya). Ils ont élargi les causes de l’abondant, par le fait que la location de bateau des chrétiens est fondamentalement contraire aux principes juridiques de l’école malikite (10). Dacwat al-nâs ilâ al-haj par Abû Muhammad Sâlih symbolise une forme de dacwa dîniya qui sorte de l’ordinaire et s’oppose au fuqahâ’ de l’époque. La réaction de ces derniers ne se fait pas attendre, surtout contre l’activité d’éducation au ribât de Safî. Abû Muhammad avait insisté sur l’utilisation de tous les moyens de transport pour se rendre à la Mecque ce qui contredit un certain consensus entre-les malikites qui ont interdit les bateaux chrétiens et les vois terrestres.
Derrière cette ligne de conduite, très particulière, du sûfî Abû Muhammad Sâlih, si l'histoire de l’occident musulman maritime qu’il fallait lire à travers les difficultés de la domination sur la Méditerranée. Les Musulmans ont perdu la suprématie sur une grande partie des vois commerciales maritimes à l’époque des Almohades, même si le calife al-Mansûr avait portait des succès dans la bataille d’al-Arak en 591 en Andalousie et Salâh al-Dîn al-Ayûbî à Jérusalem en 583. Dans ce contexte de recule sur le plan maritime les relations entre l’occident musulman almohade et l’orient traversaient une période difficile qui ne permet pas la coopération militaire au sein de la Méditerranée
Le deuxième fait parquant dans la vie pratique du saint d’Asafî était la création d’une organisation collective. Il reste dans les textes arabes, le premier qui a fondé au Maghrib occidental ce modèle d’organisation avec la mise en place d’une structure « tâ’ifa » connu sous le nom de « tâ’ifat al-Majâriyûn », puis sous le nom de « tâ’ifat al-Hujâj » un élargissement aux autres composantes de la société du Maghrib. Les tawâ’if énumérait par Ibn Qunfud (11) sont liée à Abû Shucayb et Abû cAbd Allâh Amghâr n’avaient pas la forme de tâ’ifa d’après al-Tâdilî, un contemporain d’Abû Muhammad Sâlih. Dans les biographies d’al-Tâdilî et d’al-Tamîmî, le seul saint qui avait fonctionné dans le cadre d’une organisation collectif était le waliy Abû Yaczâ, le disciple d’Abû Shucayb. Les biographes lui accordaient des visites collectives (al-ziyâraal-jamâciya). Les visites sont liées à une forme de sûfisme collectif et d’organisation sociale qui demandait dans les moindres étapes la nourriture, l’habitat des visiteurs.... Donc l’utilisation des appellations ihwân, zuwar, murîdûn, futûh, al-ribât sont les mots techniques du soufisme collectif quand trouvait après lié aux différents zâwâyya du Maghrib occidental. En effet, même si al-Tâdilî n’avait pas utilisé le mot Tâ’ifa, ce qui était tout à fait logique avec sa déclaration de s’abstenir de parler des vivants de son temps et Abû Muhammad ont fait partie, il est important de voir qu’il le classe parmi les grands soufîs de l’époque et parmi les premiers mashâyikh du soufisme (Akbar man fî waqtinâ min fi’ati al-mashâyikh al-awal min ahl al-tasawuf). L’étendue de l’influence de la tâ’ifa d’Abû Muhammad Sâlih est confirmé par al-Minhâj al-Wâdih qui signale que les fuqarâ’ constituent la plus petite unité affilié au tâ’ifa du saint (12). Il cite les fuqarâ’ de Sanhâja, les fuqarâ’ de Glâwa, Les fuqarâ’ de Sijilmâsa etc. (13). Ces fuqarâ’ affiliaient à la tâ’ifa et aux tribus ont constitué les disciples d’Abû Muhammad Sâlih en dehors de la ville de Sâfî. L’exemple d’Abû Muhammad Sâlih très significatif dans le glissement de la notion initiale du ribât à l’époque des dynasties précédentes, puisque le ribât replie cette fois-ci son rôle, comme structure spirituelle, sociale et politique liées au maître de la voie (tarîqa). S’Ajoute à cette transformation importante au sein du Maghrib occidental, le maintien des structures traditionnelles comme le ribât des Banû Amghâr qui ont conjugué la tradition de la sainteté attribuait par les rescrits des autorités et l’influence dans les milieux sociaux de Doukkâla.
Les Banû Amghâr n’avaient jamais acceptés la main mise des Almohades sur les Masmûda. Leur influence au milieu des Sanhâja d’Azemmour avait démuni avec la mise en place des institutions almohades. La région de Doukkâla représentait l’opposition à la propagande almohade, de ce fait, les Banû Amghâr ont subi un encerclement à cause de la doctrine d’Ibn Tûmart qui mettait en avant le mahdisme. Cette doctrine suprême ne laisse pas la place au waliy au sein du paysage politique du Maghrib almohade. Les sources n’apportent rien sur l’état des relations entre l’institution de Tît et les Almohades. Le texte le plus important est le rescrit d’Abû Dabûs en 665 de l’hégire qui dépasse dans sont contenu tous les rescrits jusqu’ici attribué à la ta’ifa des Banû Amghâr. Sur le plan de la reconnaissance, le texte reconnu le sharafribât de Tît, ainsi que leur conduite religieuse pieuse. Le calife avait reconnu la wilâya spirituelle et symbolique des Banû Amghâr. des gens du
Les privilèges comme gages de soutien que le calife Abû Dabûs avait donné à la famille Banû Amghâr était dû à la politique de rapprochement entre le ribât de Tît et les autorités de Marrakech. Le calife almohade, en difficulté militaire à cause des rebellions de la région des Sanhâja d'Azemmour, espace de l’influence des Banû Amghâr, était un espace très sensible puisqu'il constitue le centre des convoitises mérinides. La rébellion de cAzûz b. Yarbûq, le chef des Sanhâja d’Azemmour contre l’autorité almohade et sa déclaration d’allégeance aux mérinides ont joué favorablement dans l’obtention de ces privilèges. Dès qu'Ibn Yarbûq avait perdu la bataille militaire, il s’est réfugié au ribât de Tît en demandant l’amân de son shaykh. Les Almohades ont franchi l’enceinte du ribât, ce qui avait provoqué une crise ouverte entre le shaykh de Tît et les autorités almohades. Pour ne pas ouvrir un front de plus le calife avait essayé de calmer le shaykh de Tît par ce rescrit. Il n’est pas surprenant que les Banû Amghâr de Tît étaient au côté des Mérinides et au sein des enjeux politiques. Les Mérinides ont soutenu l’émir almohade Abû Dabûs dans sa révolte contre al-Murtadâ, ce soutien coïncide avec l’affaire de la transgression de la hurma (transgression du lieu sacré du ribât) par le commandant du calife almohade al-Murtadâ, Abû al-Qâsim al-hanâ’î. Dès que le calife Abû Dabûs s’est retourné contre ces alliées mérinides, il n’avait pas oublié les Banû Amghâr et leurs influences dans la région.
Dans un contexte historique très difficile pour les Almohades, les Banû Amghâr ont choisi le camp des vainqueurs, les Banû Marîn, malgré le rescrit d’Abû Dabûs. Ce fait historique montre l’importance des ribats du sud du Maghrib occidental dans le parcours politique et militaire des dynasties. Ce lieu ou une famille comme les Banû Amghâr ont joués un rôle important dans le soutien populaire à tel ou telles dynasties ou mouvements.
En remarque d’après ces exemples, que les structures d’un mouvement collectif étaient très élaborées à l’époque des Almohades, en comparaison avec ce signalait par les sources concernant la période almoravide. Le ribât n’avait pas les mêmes fonctions, puisqu'il avait glissé vers la fonction d’appartenance à une voie initiatique liée au maître. Le ribât lié en particulier à la guerre sainte à ces débuts au Maghrib s’est transformé en un groupe social influant. Il avait fonctionné au sens de ribât spirituelle et communautaire. Le changement opérait à l'époque, almohade allait influencer l’histoire du soufisme des dynasties successives, jusqu'à nos jours. Désormais, le waliy du Maghrib occidental n’était plus en retraite individuelle, mais plutôt collectif avec ces disciples et les masses populaires qui croient en la sainteté de cet homme et sa baraka indispensable pour protéger sa vie quotidienne et sa cité des malheurs de la vie. Le waliy à l’époque des Almohades avait repris du terrain au juriste faqîh dans plusieurs domaines de la vie de la cité. Il est désormais un personnage d’envergure malgré l'hostilité des traditionalistes et les craintes des autorités politiques. Les Mérinides ont hérité cette situation avec laquelle il allait composer pour garder le pouvoir au sein de l’espace du Maghrib, qui s’identifie de plus en plus à la sainteté qu’à la tribu proprement dite.
(1)-A la suite du Tashawuf d’al-Tâdilî (rédigé en 617 H/ 1220-21), al-Maqsad al-sharîf wa al-manzac al-latîf fî dikr sulahâ’ al-Rîf, c’est-à-dire la noble intention et le but subtil, relatifs à la mention des personnages vertueux du Rîf. Rédigé en 711 H/ 1311-12, l’ouvrage est un recueil de biographies des saints du Rîf aux VIe-XIIe / VIIe-XIIIe siècles. L’auteur d’al-MaqsidcAbd al-Haqq b. Ismâcîl b. Ahmad b. Muhammad b. Qays b. Sacîd b. cUbâda al-Bâdisî al-Gharnâtî, d’une famille arabe de Khazraj, installé en Andalousie, puis à Bâdis. L’auteur avait fait son apprentissage dans cette ville au côté de son père qui exerçait la profession de qâdî, puis au cours de ces voyages. Son ouvrage relate la vie religieuse dans le nord du Maghrib occidental médiéval. Il constitue un recueil important pour l’étude du développement du culte des saints dans la région du Rîf, ainsi que l’apparition des confréries religieuses. Les livres d’al-manâqib très difficile a exploité sur le plan historique en comparaison avec les biographies (tarâjim) de personnages religieux appartenant à diverses catégories (tabaqât). Le Maqsad fait partie de ces livres d’al-Manâqib. Il était écrit comme son auteur l’avait indiqué pour compléter les lacunes du Tashawuf qui avait négligé les saints de cette région au profit de la sainteté dans le sud du Maghrib occidental. Sur ce livre et son auteur, nous citons al-Maqsad..., op. cit., pp., 1 sq. FERHAT H., et TRIKI H., Hagiographie et religion..., pp., 31-32. est Abû Muhammad
(2)-Le récit d’al-Bâdisî nous surprend, puisqu’il parle d’une période ou le pouvoir almohade était à son apogée, assurant une suprématie incontestable sur l’ensemble de l’occident musulman malgré cette contradiction, le saint Abû Dâwûd est représenté comme le défenseur et le protecteur du littoral du nord et des prisonniers de la piraterie chrétienne (AL-BÂDISÎ, al-Maqsad al-sharîf... p., 23-24).
(3)-« Abû cAqîl a dit que le maître perdit la vue à la fin de son existence parce que, ayant vu du bétail (mâshiya) lui appartenant brouter, au moment de leur pousse, les bourgeons d’arbres également à lui, il en fut peiné : or, ce bétail qui était composé de chèvres (maciz) périt à l’instant » le deuxième texte : « l’un des voisins du maître Abû Dâwûd, nommé Yahyâ b. Luqmân : deux bêtes de somme, dit ce dernier, de celles du maître Abû Dâwûd, causèrent du dommage à des céréales m’appartenant et je m’en plaignis à leur propriétaire. « Je les ai châtiées », me répondit-il. Or, le loin les mangea toutes deux cette nuit-là ». Dans les deux textes qui nous apparaissent très anecdotiques, il ressort en tout cas que le cas d’al-amr wa al-nahy et l’application de la justice traverse la vie interne et externe du saint. Dans le premier texte, il s’agit des biens du saint ou la contrariété n’implique aucun facteur social extérieur, malgré ce fait le châtiment était déclenché. Le deuxième texte implique le voisinage dans ce cas le châtiment était aussi appliqué. Dans les deux cas, le saint se trouve en tort et il applique le châtiment à sa propre personne, exemple, modèle de justice ces ce qu’il ressort de commun dans les deux textes (AL-BÂDISÎ, al-Maqsad..., p., 25).
(4)-AL-BÂDISÎ, al-Maqsad..., p., 26.
(5)-AL-BÂDISÎ, al-Maqsad..., p., 27.
(6)-Ibid., pp., 27-28.
(7)-Ibid., p., 28.
(8)-IBN AL-KHATÎB, Micyâr al-ikhtiyâr fî dikr al-macâhid wa al-diyâr, Rabat, 1977.
(9)-FERHAT Halima, Le Maghreb aux XIIe et XIIIe siècles..., p., 84.
(10)-AL-WANSHARÎSÎ, al-Micyâr..., T., I, pp., 341-351.
(11)-Le premier texte qui dévoile la carte religieuse du Maghrib occidental au milieu du VIIIe siècle de l’Hégire est le livre d’Ibn Qunfud. Ce dernier a évoqué le phénomène des Tawâ’if. Les Hujâj étaient cités parmi les six organisations existantes au Maghrib occidental.
(12)-Le deuxième document qui confirme l’organisation d’Abû Muhammad Sâlih, est le livre tardif du neveu du saint Ahmad b. Ibrâhîm. Son livre al-Minhâj al-wâdih fî tahqîq karâmât Abî Muhammad Sâlih, le Caire, 1933, pose le problème de la crédibilité, puisqu’il appartient à la famille du saint, le livre qui est un plaidoyer pour reconnaître la sainteté d’Abû Muhammad et sa zâwiya dans le milieu des Haskoura. L’auteur de l’ouvrage signale que son objectif est de consigner par écrit le parcours d’Abû Muhammad, toute en évitant ce que les extrémistes des Murîds ont ajouté aux karâmât du saint. Pour cela l’auteur avait évité de prendre ces informations aux côtés des fuqarâ’ juhâl. Ces informations les avaient pris aux cotés des grands shaykhs du soufisme en langue berbère. Al-Minhâj..., p., 16.
(13)-AHMAD b. Ibrâhîm, al-Minhâj al-Wâdih..., pp., 138 à 143 et 297, 350, 352.
Abdelkader HADOUCH