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Histoire du Maghreb تاريخ المغرب الكبير

La révolte des Murîdûn de l'Algavare.

L’une des questions qui reste en suspens dans l’histoire des Almoravides concerne l’un des mouvements particuliers au sein du paysage médiéval du Maghreb. Les révoltes pour la mise en place d’une dynastie soutenues par une confédération de tribus étaient très fréquentes. Cette fois, il s’agit d’une révolution de mystiques face à un pouvoir de la confédération Sanhâja (صنهاجة) et ses alliées. Ce qui sorte de l’ordinaire ces ce mouvement de révolte soufî qui avait pris les armes comme moyen d’expression pour défendre une partie de la société. Comment le mystique Ibn Qasî est arrivé à ce stade d’originalité, en déclarent la guerre aux Almoravides ? La révolte des Murîdûn (المريدون) est l’extrême expression sociale contre une situation que le discours d’al-karâma (الكرامة) et le symbolisme ne suffirait pas de traduire. La révolte traduit par ses moyens, son discours et ses objectifs un mouvement politico-religieux d’une partie de la société « La classe moyenne » à la fin des Almoravides.

Abû al-Qâsim Ahmad b. Qasî était l’une des grandes personnalités dans l’histoire du soufisme en Occident musulman. Il est considéré comme le premier mystique qui à conduit une révolte contre les Almoravides, à ce titre en peut considérer la révolte d’Ibn Qasî comme un mouvement politico-religieux qui cherche la mise en place d’un pouvoir politique sur la base d’une dacwa dîniya comme tout mouvement au Moyen-Age. L’historiographie médiévale nous informe peut sur cette révolte, si elle n’avait pas modifié son contenu. Les historiens ont essayé de présenter ses objectifs comme une anecdote et son instigateur comme un provocateur de la fitna (فتنة) au sein de la société musulmane. L’historien al-Murrâkushî l’avait qualifié d’instigateur de trouble, d’homme qui s’oppose à Dieu et à la fin un ignorant sur la question de la wilâya (الولاية). L’historiographie militante des historiens a tournée à la dérision la révolte d’Ibn Qasî. Ibn al-Khatîb rapporte que les fonds du mouvement d’Ibn Qasî que Dieu lui avait accordé selon ces dires portent le sceau des Almoravides.

Les ghazaliens radicaux sont représentés par Abû al-Qâsim b. Qasî l’auteur du livre Halc al-naclayn (خلع النعلين), un livre ou Ibn Qasî expose son opinion sur les noms de Dieu, les sciences ont les partageant en deux : science ikhbâriya (إخبارية) et science kashfiya (كشفية), ainsi que ces idées radicales sur les réformes de la société et la diffusion de l’islâm authentique. La prudence reste de rigueur vis-à-vis des historiens sunnites et leurs opinions sur le mouvement d’Ibn Qasî basé sur l’idée du mahdisme élément incontournable appliquaient par les mouvements shicites. Les historiens almohades ne faisaient pas l’éloge du mouvement d’Ibn Qasî puisque ce dernier leur dispute la primauté de l’idée mahdiste. Ibn al-Khatîb dans son livre Acmâl al-aclâm (أعمال الأعلام) nous informe qu’Ibn Qasî avait soutenu la révolte d’al-Mâsî dans la région de Sous contre les Almohades.

Les chercheurs dans l’histoire politico-religieuse de l’occident musulman se sont trouvés face à ce handicap documentaire. Les conclusions sur ce mouvement reste contradictoire et peut convaincante. À ce titre, VILLAR avait considéré le mouvement un soulèvement ethnique et religieux provoqué par le sentiment d’appartenance à la « nation hispanique » et la haine de l’étranger. LAGARDERE considère que le mouvement est une continuation des mouvements clandestins qu’avaient connus l’Espagne à la fin du IIIe siècle et le début du IVe siècle de l’hégire. GODERA avait expliqué que la révolte d’Ibn Qasî faisait suite au refus des soufîs à l’utilisation des chrétiens dans l’armée et l’administration almoravide.

Le mouvement d’Ibn Qasî reste dans les annales de l’histoire du Maghrib et de l’Andalousie, comme un mouvement exceptionnel. Sa classification avait posé problème aux auteurs arabes. Ils le considèrent un mouvement politique loin de tout aspect ou lien avec le soufisme. D'autres ont pris position contre ce mouvement qui reste uniquement une fitna (فتنة) pour la fitna sans objective politique ni doctrinale. MONES est allait plus loin puisqu’il considère cette révolte comme caprice d’un homme qui voulait une part des richesses des Almoravides en Andalousie.

Les causes de la révolte des mûrîdûn (المريدون) en Andalousie avaient commencé en 539 de l'hégire, après que les facteurs de la crise économique et sociale en atteignent un stade de crise totale des secteurs de l’économie. L’insécurité des routes commerciales et la démunissions des rentrés financières (jizya, kharâj et ghanâ’im / جزية، خراج، غنائم) ont affecté la vie des populations du Maghrib et de l’Andalousie. Ces dans ce cadre qu’il faut situer la révolte d’Ibn Qasî. Le soufisme l’expression de conduite par excellence, trouve dans cette initiative d’Ibn Qasî l’expression collectif et politique pour sortir de la crise. Il est vrai que le leader du mouvement avait des visé personnel comme d’ailleurs tout homme qui conduit un mouvement, mais il est aussi nécessaire de reconnaître que le mouvement avait un objectif « la fondation d’un État » et un ennemi « les Almoravides » pouvoir tyrannique aux yeux de beaucoup des ‘awliyâ’ (الأولياء). D’où la question qui s’impose d’elle-même quelles sont les impératives internes et externe au soufisme qui ont conduit à l’élaboration de la révolte? Pour comprendre le parcours du mouvement, il faut tout d’abord procéder à quelques remarques de base.

L’espace de l’Andalousie avait connu la naissance de place forte du soufisme. Alméria (al-Mariya) avait pris une particularité parmi ces centres du soufisme. La ville est considérée comme la ville la plus prospère au niveau commerciale et culturelle. Les courants de pensée de l’époque étaient présents. Les débats autour des questions importantes faisaient de la ville un lieu de confrontation. Les fuqahâ’ (الفقهاء) du pouvoir almoravide présent au sein de la ville était réputé par leur intransigeance vis-à-vis du livre Ihyâ’. Le terrain était donc un espace de confrontation entre les représentants officielle du malikisme almoravide et le soufisme représentait par Abû Bakr b. Namâra, Abû al-Qâsim cAbd al-Jabâr al-Bijâ’î et le célèbre mystique Ibn al-cArîf. D’autre ville comme Malaga, Mursiya, Jiyân, Cordoue ont été le théâtre de débat entre les courants de l’époque. Alméria capitale de l’Andalousie orientale (شرق الأندلس) et fief d’Ibn al-cArîf avait fédéré autour d’elle toutes les villes et les centres du commerce d’al-Andalus. Ce monopole économique avait déséquilibré l’Andalousie occidentale (غرب الأندلس). Deux courants mystiques se trouvent à la fois face aux fuqahâ’ et à la situation socio-économique. Le premier courant celui de l’Andalousie orientale avait des débats vifs avec les représentants des Almoravides, mais il avait préconisé la modération selon le Qur’ân et la sunna comme pratique. De ce fait, les soufîs de l’Andalousie orientale ont répondu aux aspirations de la classe moyenne qui avait besoin de la sécurité pour le développement de ces actions commerciales. Les muhâdarât étaient devenus la conduite du soufisme dans cet espace de l’Andalousie. Le deuxième courant celui de l’Andalousie occidentale avait préconisé la radicalisation et la révolte comme moyen d’expression. Le courant radical avait rejeté l’influence des soufîs modérés en particulier celle de leur maître Abû Muhammad cAbd al-Ghafûr qui a tenté de se rapprocher du courant d’Ibn al-cArîf de l’Andalousie orientale.

En effet, dans l’Andalousie à l’époque des Almoravides deux courants du soufisme s’affrontaient autour de la méthode à adopter face au pouvoir des Lamtûna. Pour comprendre cet affrontement il faut tout d’abord regarder les relations des deux leaders du soufisme d’al-Andalus.

1-Dans une lettre d’Ibn al-cArîf, il ressort qu’Ibn Qasî était un des shaykhs du soufisme, connu et reconnu par ces pères de l’époque. Ibn al-cArîf considérait à tort comme l’un de ces maîtres, s’était étonné que ce grand maître l’ait connu par réputation. Ce qui prouve qu’Ibn al-cArîf n’était pas le maître d’Ibn Qasî. La deuxième lettre, dans laquelle Ibn al-cArîf parle des ouvrages d’Ibn Qasî et de sa personnalité, il informait que les deux soufîs n’avaient qu’une relation d’amitié entre soufî et que la question du maître et du murîd était exclue.

2-Ibn Qasî avait des relations d’amitié avec le shaykh des soufîs de l’Andalousie orientale, une région importante dans l’Andalousie almoravide, ces pour cet objectif que Ibn Qasî avait fait le déplacement à Alméria pour convaincre Ibn al-cArîf de déclencher simultanément la révolte contre les Almoravides. Les soufîs modérés d’al-Andalus ont calmé les ardeurs du courant radicales. Ibn al-cArîf et en particulier la stature d’Ibn Barajjân, l’imâm du mouvement des Murîdûn, ont permit un équilibre et une stabilité au sein des courants du soufisme de l’Andalousie almoravide.

L’équilibre entre les deux courants du soufisme, allait céder quand les Almoravides se sont attaqués au courant modéré. Le souverain almoravide avait convoqué Ibn al-cArîf et Ibn Barajjân à la capitale Marrakech où il était assassiné dans des conditions mystérieuses vers 536 de l'hégire / 1141. Après ce vide de leaders au sein du soufisme modéré, Ibn Qasî avait déclenché la révolte des murîd en 539 de l'hégire / 1144. Entre les assassinats des deux soufîs et l’année 1144, durant trois ans, les Almoravides se sont trouvé face à la conquête almohade, la reconquista en Andalousie et l’expansionnisme normands sur le littoral méditerranéen (la conquête de la ville de Ceuta). La situation des Almoravides était très délicate à cause de la multiplication des fronts militaires et la situation économique catastrophique qui s’est soldé par les augmentations des prix, la famine et la sécheresse. L’institution militaire et administrative almoravide commence à perdre son centralise. Ces dans ces conditions favorables que la révolte des Murîdûn reste la première dans l’histoire de la dynastie. Parmi les points importants dans le mouvement d’Ibn Qasî la proclamation du mahdisme. Il avait pris le titre d’Imâm pour donner à son mouvement un symbole religieux unificateur. La présence de l’idée du Mahdî dans le mouvement d’Ibn Qasî lui attribue l’aspect du conflit entre le sunnisme et le shicisme. D’origine chrétienne, selon les auteurs arabes, il avait intégré au début l’administration almoravide, puis, il s’est retiré en vendant tous ces biens, il avait commencé à suivre son objectif ultime, l’organisation de la révolte contre les Almoravides. En même moment, il a essayé de convaincre le courant mystique de l’Andalousie orientale, sans résultat, il est revenu à Salab pour fondé une organisation râbita (رابطة) dans les faubourgs de la ville. Au sein de la râbita, Ibn Qasî a étudié et enseigna à ces disciples les livres d’al-Ghazâlî et d’Ikhwân al-Safâ interdit par les Almoravides. Fort de cette organisation et de ces disciples, Ibn Qasî avait organisé son mouvement pour le jihâd (جهاد) en se déclarant « Imâm ». En l’année 539 de l'hégire / 1144, il avait demandé aux murîdîn de sortir de la râbita pour la guerre sainte sous le commandement de Muhammad b. Yahyâ al-Saltîsî connu sous le nom d’Ibn al-Qâbila et le titre d’al-Mustafâ que lui avait accordé Ibn Qasî. L’étendu de la révolte d’Ibn Qasî après avoir reçu de l’aide d’Abû al-Walîd Muhammad b. cUmar b. al-Mundir et Muhammad b. Sîdrây était très importante. Elle avait touché toute la partie occidentale d’al-Andalus, sous son autorité un nouveau gouvernement était mise en place, en partageant les villes d’al-Andalus en provinces sous l’autorité de ces gouverneurs Ibn al-Mundir et Ibn Sîdrây. Il avait en même temps frappé la monnaie sous forme carré ou figure la nomination suite : « Allâh rabunnâ wa Muhammad Nabiyunâ wa al-Mahdiy Imâmunâ  الله ربنا ومحمد نبينا والمهدي إمامنا». La réaction du souverain Almoravide ne se fait pas attendre, Ibn Ghâniya qui commandait l’armée almoravide en Andalousie avait pris toutes les dispositions pour en finir avec cette révolte, victorieux Ibn Ghâniya avait procédé à la pacification de la partie occidentale d’al-Andalus. Le reste des Murîdûn se sont fortifié dans les forteresses de Labla.

L’échec d’Ibn Qasî en dit beaucoup sur son organisation, puisque les Murîdûn d’al-Andalus ne représentent pas l’étendard opérant de la casabiya. Les origines de ces compagnons, les intérêts supra tribaux avaient toujours conduit à des différences d’opinion et d’appréciation au cours de la révolte. L’expérience du courant mystique de gharb al-Andalus, malgré son échec sur le terrain montre à tel point que le soufî peut conduire une mise en place du pouvoir et devenir un contre-pouvoir qui exprime les intérêts des couches sociales en Occident musulman. Ibn Qasî avait essayé de délivrer un message par la révolte des Mûrîdûn au delà de tout discours abstrait comme le discours de la karâma, afin de rendre un équilibre social, économique et politique à l’occident musulman à la fin des Almoravides.

La révolte d’Ibn Qasî montre clairement que le soufisme individuel, peut allait à un soufisme organisé autour du soufî dans une organisation (râbita), avec des objectifs, un discours, une propagande qui allait dépasser le système traditionnel d’al-amr wa al-nahy, le point commun de tous les soufîs à l’époque almoravide, afin de s’imposer comme projet politico-religieux et alternative au sein de la société. En effet, malgré les reproches faits à Ibn Qasî sur ces origines, son recours au mahdisme et ces alliances avec dâr al-harb par l’historiographie médiévales, il reste aux yeux des auteurs arabes un représentant du courant radical du soufisme d’al-Andalus. Il représentait la première expérience dans les annales de l’histoire sociale du Maghrib aux Moyen-Age issues du soufisme avant la période sacadiens.

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