L'auteur du livre (que Dieu lui soit propice !) a dit : A la suite de la défaite de l'armée de l'émir Aly ben
Youssef, la puissance d'El-Mehdy grandit encore. Après avoir monté la plus grande partie de ses soldats sur des chevaux enlevés aux Almoravides et les avoir exhortés à la guerre contre les impies,
il se mit en campagne avec toutes ses troupes almohades et il se dirigea vers Maroc. Arrivé au mont Ydjelyz, non loin de cette ville, il y établit son camp, et pendant trois ans, de 516 à 519, il
ne cessa de battre les environs et de harceler journellement les Lemtouna. Ne voulant pas prolonger davantage son séjour en cet endroit, il se rendit à l'Oued Nefys, dont il suivit les bords en se
faisant reconnaître par toutes les populations des plaines et des montagnes et, entre autres, par les tribus de Djermyoua. Il soumit également la tribu de Radjeradja, à laquelle il apprit à
connaître Dieu très-haut et les lois musulmanes. Il se rendit ensuite chez les Mesmouda, et il battit tous ceux qui ne voulurent pas de bon gré reconnaître ses ordres et sa domination. Il conquit
une grande étendue de pays et la majeure partie des tribus Mesmouda. Il revint alors à Tynmâl, où il resta deux mois pour laisser reposer son armée. Quand il se remit en campagne, il se trouvait
être à la tête de trente mille hommes, et il se porta sur Aghmât et les tribus de Hazradja dont les habitants, s'étant réunis à un grand nombre de Hachem, de Lemtouna et autres, marchèrent contre
lui. Les deux armées se rencontrèrent et, la bataille fut sanglante ; là victoire resta aux troupes almohades, qui culbutèrent l'ennemi et en fi rent un grand carnage. El-Mehdy distribua le, butin
à ses soldats et se mit à parcourir les tribus du Deren, faisant périr ceux qui refusaient de se soumettre et accueillant avec, bonté ceux qui venaient audevant de lui. C'est ainsi qu'il conquit
tous les châteaux et les forteresses du Deren, et qu'il soumit les tribus de Hentâta, de Djenfysa, Hargha et autres.
Après cela il revint à Tynmâl pour s'y reposer quelque temps, et, ayant rassemblé lies Almohades, il leur donna ordre de se préparer pour aller attaquer la ville de Maroc et faire la guerre sainte
à tous les Almoravides qui s'y trouvaient. Il donna le commandement en chef de l'expédition à Abd el-Moumen ben Aly, qui se mit aussitôt en marche. Arrivé à Aghmât, Abd el-Moumen se trouva, en
présence de l'émir Abou Beker ben Aby Youssef, qui était à la tête d'une nombreuse armée de Lemtouna, Senhadja, Hachem et autres, les deux armées se livrèrent des combats sanglants pendant huit
jours de suite, au bout desquels le Dieu très-haut donna la victoire aux Almohades. L'émir Abou Beker partit en déroute, et Abd el-Moumen se mit à sa poursuite, massacrant tous les Almoravides
qu'il atteignait. Leurs derniers débris se réfugièrent à Maroc, dont ils fermèrent les portes à la face des Almohades, qui après trois jours de siège, s'en revinrent à Tynmâl. Ces événements eurent
lieu dans le mois de radjeb, an 524. El-Mehdy sortit de la ville pour recevoir ses soldats victorieux, et, après les avoir salués et leur avoir manifesté sa satisfaction, il leur énuméra toutes les
conquêtes qui leur restait à faire, et les prévint que sa mort était proche et qu'il ne passerait pas l'année. A cette nouvelle les Almohades fondirent en larmes, et, en effet, l'imam fut aussitôt
pris du mal qui allait l'emporter. Abd el-Moumen ben Aly remplit les fonctions d'imam durant la maladie d'El-Mehdy, qui empira toujours jusqu'à sa mort, le jeudi 25 ramadhan de l'année 524.
IBN ABÎ ZAR' Rawd al-Qirtâs. Histoire des souverains du Maghreb et annales de la ville de Fès