8 Octobre 2008
Le harâj الخراج musulman est l'impôt imposé par les conquérants sur les activités liées à la terre. Il correspondait aux fiscalités des empires Sassanide et Byzantin. Les juristes musulmans s'accordent sur l'obligation au dimmî ذمي de payer le harâj sur les terres qu'il cultive. Le harâj الخراج peut dans certaines conditions être additionné sur le bétail, le droit de pâturage, de pêche etc... Le paiement s'effectuait en nature et en espèce, mais il est conditionné par la qualité des terres, de leur rendement par année et de leur irrigation. Le percepteur du harâj الخراج est un homme de finance et un connaisseur du territoire et des traditions économiques des habitants. Il fait son travail avec une grande liberté et un pouvoir militaire. Avec une petite unité de militaires, il peut utiliser la force contre les mauvais payeurs. Le poste de percepteur était parfois donné aux notables de la communauté chrétienne à condition qu'ils fournissent aux autorités la preuve d'une gestion rentable. Au fil des siècles, le harâj الخراج devint indispensable pour les finances du pouvoir, c'est-à-dire que le pouvoir n'avait pas de solution de rechange après les conversions des populations. Devant ce phénomène, le harâj c'est imposé comme un impôt de la terre, imposé aux cultivateurs, indépendamment de leur religion, en application du principe et de la base juridique qui stipule que la terre Fay' constitue un butin perpétuel pour les Musulmans. Cette réforme fiscale fut attribuée au calife cUmar II الخليفة عمر الثاني .
A ce stade de la réflexion, nous avons devant nous un phénomène des relations et des rapports entre religion-argent. Le concept de fay' qui est un butin collectif, et qui ne peut être que la terre, allait poser un problème puisque les textes coraniques interdisaient clairement les conversions par contrainte et le respect des gens du livre. Mais la personne convertie à l'islâm est un membre de la communauté comme tout musulman quelque soit sa vie antérieure. Tous ces éléments indiquent que la cohabitation entre religion et argent était l'un des principes qui animaient les conquêtes musulmanes. A ce titre, l'hypothèse haldûnienne sur le pouvoir musulman circulaire peut s'appliquer aussi au harâj, ressource renouvelable de la dynastie. Au Moyen-Age la paysannerie dimmî, qui représente la population de l'impôt et maintient un savoir dans l'économie agraire, se trouvait au centre des enjeux politiques des forces musulmanes dès la fin du consensus sur l'institution califale et le début des luttes intestines entre les différentes composantes de la communauté islamique.
Au Maghreb, ce cas a été presque identique à celui de l'orient. Au début de la conquête et en particulier dans la période des campagnes militaires, les chefs arabes ont procédé à une organisation et réorganisation du Maghreb sur le modèle classique de l'islâm, en matière de la fiscalité. Quand Hasân b. al-Nucmân حسان بن النعمان avait mis en place Diwân al-harâj ديوان الخراج , qui permet à la fois le maintien de la tradition agraire et le contrôle administratif et fiscal des populations, il le faisait avec un esprit fidèle aux textes des jurisconsultes et dans le but précis qui consiste à maintenir une productivité importante capable de financer l'effort de guerre et augmenter la puissance du pouvoir. Le cas du harâj était transformé en un impôt de masse quelque soit la religion des populations. Le système de la fiscalité au Maghreb qui concerne le commerce et les marchés, ainsi que les droits de passage terrestre et maritime imposé aux musulmans était aussi imposé aux dimmî, mais en double. Dans les périodes des guerres et des troubles, les communautés religieuses au Maghreb était la proie des protagonistes, puisque chaque partie demande une contribution à l'effort de guerre, surtout que les révoltes dans l'espace musulman avaient toujours la forme de révoltes religieuses, ou jugées comme telles par les protagonistes du conflit. La dimma الذمة se trouve dans ces périodes au coeur du conflit, puisque les agitateurs politico-religieux contre le pouvoir en place les accusent d'être responsables des moeurs et de la politique fiscale instaurées par le pouvoir central. C'est pourquoi nous considérons que l'addition des taxes et la contribution à l'effort des guerres était un facteur déterminant dans la disparition des communautés religieuses du sol du Maghreb.
La contribution et le service rendu aux pouvoir par les communautés religieuses au Moyen-Age était très important. Les chrétiens et les juifs, dans l'espace musulman, n'étaient pas tout simplement le grenier de la rentabilité fiscale du pouvoir, mais aussi ils étaient à tout moment sous le coup de la réquisition pour des travaux d'intérêt public et militaire, comme la construction des ponts, des miradors, pour la fortification des villes stratégiques du pouvoir et le service au sein de l'armée (Hidmat al-Jaysh خدمة الجيش). Au début de l'islâm, dans les territoires périphériques de dâr al-islâm دار الإسلام , les califes et leurs gouverneurs ont mis en place deux systèmes administratifs: Le premier concerne en particulier l'armée, est réservé aux tribus arabes guerrières et aux auxiliaires comme les berbères, avec une administration qui est connue sous le nom de (Diwân al-Jund ديوان الجند). Cette administration était réservée aux seuls musulmans qui faisaient la guerre sainte. Le deuxième est l'administration fiscale mise en place pour alimenter le trésor public en collectant les impôts, et, où les chrétiens et les juifs avaient travaillé comme gestionnaires, grâce à leur expérience dans le domaine économique et la connaissance des populations du pays, surtout dans les premières années de la conquête de tel ou tel territoire. Donc ils avaient occupé une fonction de gestion et d'intermédiaire entre leurs coreligionnaires et les autorités musulmanes, comme ils avaient occupé le rôle d'interprètes et de diplomates entre dâr al-islâm دار الإسلام et dâr al-harb دار الحرب.