5 Novembre 2008
Mohammed, connu sous le nom d'El-Mehdy المهدي, fondateur du règne des Almohades, était d'une belle taille ; il avait le teint cuivré, le visage petit, les dents écartées, le nez fin, les yeux enfoncés, peu de favoris, le dessus de la main droite orné d'un tatouage. Il était. prudent, très-rusé, très-instruit, savant docteur ; il possédait les Hadiths du Prophète (que Dieu le comble de bénédictions !). Zélé, connaissant les origines et les sciences théologiques, éloquent et capable de diriger les grandes affaires, énergique et sanguinaire, ne revenant jamais sur ses décisions, se connaissant mieux soi-même que personne ne le connaissait, très-actif et très-soigneux dans les affaires de son gouvernement, il rencontra des peuples ignorants et il se servit de cette ignorance au profit de sa cause ; les Mesmouda furent les premiers à le proclamer, et il leur donna ce Touâhîd التوحيد en langue berbère, dont les lumières brillent aujourd'hui encore dans ces lieux-là. Il leur apprit qu'il était l'imam Mehdy الإمام المهدي annoncé comme devant paraître dans le cinquième siècle. Il leur dénonça les Almoravides comme infidèles, et il ordonna de leur faire la guerre sainte et de leur enlever femmes, enfants et propriétés ; il leur dit : «Quelques-uns s'appellent eux-mêmes émirs des Musulmans, mais leur vrai nom est Moulethemyn الملثمين les voilés, et ils sont, bien ce peuple décrit par le Prophète de Dieu (à lui bénédiction et salut !) comme devant être exclu du paradis; hommes qui paraîtront à la fin du monde avec des queues comme les vaches, et dont les femmes seront ivres, nues, indécentes, et auront des bosses de chameau pour têtes.» C'est ainsi que El-Mehdy المهدي en imposait à ces peuplades crédules et ignorantes dont il frappait l'esprit par de tels récits.
Voici un exemple, de sa fourberie, qui était aussi grande que sa cruauté : un jour, il enterra vivants quelques-uns de ses soldats en leur laissant une petite ouverture pour prendre haleine, et il leur dit : «Quand on venus interrogera, vous répondrez que vous avez trouvé chez Dieu ce qui vous avait été promis ; que vous avez vu le châtiment préparé pour ceux qui refusent de combattre. les Lemtouna لمتونة ; et qu'il faut faire tout ce que dit l'imam El-Medhy الإمام المهدي , parce que c'est la vérité. Quand vous aurez répondu cela, ajouta-t-il, je viendrai vous délivrer, et je vous ferai à chacun une position élevée.» Or, voici ce qui le préoccupait : les Almohades الموحدون, ayant été battus dans une rencontre avec les Almoravides المرابطون, venaient d'éprouver des pertes énormes qui-pouvaient faire le plus grand tort à leur cause, et c'est pour parer au découragement de ses soldats due Mehdy eut l'idée de revenir la nuit sur le champ de bataille et d'enterrer quelques-uns de ses hommes, comme il a été dit, au milieu des morts. Le lendemain, de retour au camp, il harangua les chefs Almohades. «Vous êtes braves et bons guerriers, leur dit-il, et votre cause est, celle de Dieu et de la justice ; préparez-vous donc à combattre vos ennemis, et faites attention à vous ; agissez de concert; mais, si vous doutez de mes paroles, allez sur le champ de bataille et informez vous auprès de vos frères qui sont, morts, et ils vous diront eux-mêmes le prix que vous retirerez de vos combats.» Les chefs Almohades se rendirent aussitôt sur le champ de bataille, et ils s'écrièrent : «Ô nos compagnons morts ! dites-nous ce que vous avez trouvé chez. Dieu chéri.» Ils répondirent: «Ce que nous avons trouvé chez Dieu très-haut, ce sont toutes sortes de biens, plus que ne peuvent en voir les yeux et en entendre les oreilles.» A cette réponse, ils revinrent en toute hâte au milieu de leurs tribus et racontèrent partout ce qu'ils venaient d'entendre. Tout le monde fut émerveillé, et El-Mehdy المهدي s'en alla aussitôt mettre le feu aux ouvertures qu'il avait laissées pour respirer à ceux qu'il avait enterrés et qu'il fi t ainsi tous périr misérablement, de crainte qu'en sortant de leurs tombeaux ils ne divulguassent l'artifice.
Autre exemple de sa ruse et de son imagination : ne réussissant pas à apprendre le premier chapitre du Coran القرآن à une fraction des Mesmouda مصمودة, qui ne pouvaient pas prononcer l'arabe, il compta les mots et appela chacun par un de ces mots ; ensuite, les faisant asseoir en rang, il demandait au premier: «Comment te nommes-tu ? El-Hamdou Lillah الحمد لله (louange à Dieu !). Et toi ? Rabb رب (maître). Et toi ? El-Alemyn العالمين (de l'univers),» et ainsi de suite jusqu'à la fi n du premier chapitre El-Fatiha سورة الفاتحة. Alors il leur disait : «Dieu ne vous agréera que lorsque vous réunirez tous ces noms en une seule phrase, et que vous la répéterez dans chaque partie de la prière.» Et c'est ainsi qu'il leur apprit le premier chapitre du Coran. Tel est le récit de l'auteur du livre intitulé El- Mougharryb fi akhbâr moulouk el-Maghreb المغرب في أخبار ملوك المغرب. (L'étranger, Histoire des rois du Maghreb.)