Ta noblesse nous a écrit cette année même pour que nous consacrions évêque, suivant la loi chrétienne, le prêtre
Servandus. Ce que nous sommes empressés de faire parce que ta demande nous semblait juste et excellent. En outre, tu nous as envoyé tes présents et tu as libéré, par déférence pour le bienheureux
Pierre, prince des Apôtres et par amour de nous, les chrétiens qui étaient retenus comme captifs chez les tiens. Tu as, de plus, promis de libérer les autres captifs. C'est certainement Dieu,
Créateur de toutes choses, Dieu sans qui nous ne pouvons rien faire ni même penser de bon, qui a inspiré à ton coeur cette bonne action, car il éclaire tout homme venant en ce monde et il a
éclairé ton esprit à cette occasion. Dieu tout-puissant, en effet, qui veut que tous les hommes soient sauvés et qu'aucun ne périsse, n'apprécie tant chez chacun de nous que l'amour du prochain
après l'amour de Dieu et que le soin de ne point faire à autrui ce que nous ne voudrions point qu'on nous fit.
Or cette charité, nous et vous, nous nous la devons mutuellement plus que nous ne la devons aux autres peuples,
puisque nous reconnaissons et confessons -de façon différente il est vrai- le Dieu Un, que nous louons et vénérons chaque jour comme créateur des siècles et maître de ce monde. Suivant la parole
de l'Apôtre: "C'est lui qui est notre paix, lui qui des deux n'a fait qu'un peuple" (Ephésiens, II, 14).
Aussi depuis qu'ils connaissent par nous la grâce que Dieu t'a accordée, plusieurs nobles de Rome admirent sans
réserve ta bonté et tes vertus et les publient. Parmi eux deux familiers, Albericus et Cencius, élevés avec nous presque dès leur jeunesse dans le palais romain, désirent beaucoup parvenir à ton
amitié et à ton affection et rendre cordialement service pour ce qu'il te plaira de notre côté. Ils t'envoient des hommes à eux par qui tu sauras combien ils t'estiment sage et grand et combien
ils veulent et peuvent te rendre service. Nous recommandons ces hommes à ta magnificence, afin que tu apportes tout ton soin à faire preuve à leur égard, par amour pour nous et pour récomponser
de leur confiance ceux que nous avons nommés plus haut, de cette même charité dont nous désirons faire toujours preuve vis-àvis de toi et de tous les tiens.
Dieu sait bien que nous te chérissons sincèrement pour Sa gloire et que nous désirons ton salut et ta gloire dans
la vie présente et future. Des lèvres et du coeur, nous lui demandons qu'il te reçoive lui-même après un long séjour ici-bas, dans le sein de la béatitude du très saint Patriarche
Abraham".
CUOQ Joseph, L'Eglise d'Afrique du Nord du IIe au XIIe siècle, édit., Le Centurion, Collection "Chrétiens dans
l'histoire", Paris, 1984, pp., 131-132.