François d'Assise qui n'avait pu se rendre lui-même au Maroc demanda à quelques-uns de ses frères de s'y rendre en
1220.
Les frères dès qu'ils voyaient des Sarrasins réunis se mettaient à leur précher avec beaucoup d'impétuosité. Il
arriva qu'une fois, comme le frère Bérard était montré sur un char d'où il prêchait au peuple, le roi miramolin passa par cet endroit en allant visiter les tombeaux des rois situés hors les murs.
Il fut frappé de stupeur en voyant le frère prêcher et il pensa qu'il était fou, le frère lui refusa d'interrompre sa prédiction et il ordonna alors d'expuler les cinq frères de la ville et de
les faire reconduire immédiatement par les chrétiens au pays des infidèles. Le susdit infant Don Pedro leur donna quelques-uns de ses serviteurs pour les diriger vers Ceuta, où ils
s'embarqueraient pour le pays des chrétiens. Mais ces cinq frères les renvoyèrent en cours de route et retournèrent à Maroc; ils rentrèrent dans la ville et recommencèrent immédiatement à prêcher
aux Sarrasins réunis sur la place du marché. A cette nouvelle, le roi ordonna de les enfermer dans une prison où ils demeurèrent vingt jours sans boire ni manger, et où ils n'eurent pour les
soutenir que les consolations divines... .
A peine libérés, ils voulurent se remettre aussitôt à prêcher aux Sarrasins la parole de Dieu, mais par crainte du
roi les chrétiens ne le permirent pas, et ils leur donnèrent des guides chargés de les reconduire aus pays des fidèles. Mais les frères les renvoyèrent en cours de route et retournèrent à Maroc.
Les chrétiens tinrent alors conseil et l'infant Don Pedro, dont il a déjà été parlé, les enferma dans sa maison où il les fit garder pour les empêcher de se produire en public... Ils réussirent
un vendredi à s'échapper par un passage insoupçonné et ils eurent l'audace de se présenter devant le roi au moment où il allait visiter le tombeau des rois, le frère Bérard monta sur un char et
en présence du roi il se mit à prêcher sans aucune crainte... Comme le roi les trouvait persévérants dans la foi catholique qu'ils confessaient et proclamaient intrépidement en anathématisant les
iniquités de Mohamet et sa loi, il s'enflamma de colère et ordonna de leur infliger diverses tortures et de les flageller cruellement... Pendant toute la nuit ils furent gardés, torturés,
cruellement flagellés par une trentaine de Sarrasins.
Le lendemain, comme ils refusaient encore d'abjurer, le roi, fou de colère, prit une épée, fit séparer les saints
et leur ouvrit la tête l'un après l'autre, par le milieu du front: trois fois il plongera la glaive dans leurs cerveaux et ainsi il les mit à mort de sa propre main avec une cruauté de bête
fauve. Ils achevèrent leur martyre le XVIIe jour des calendes de février, l'an du Seigneur 1220.
Cronique des XXIV généraux, trad., par A. MASSERON, dans Millot, p., 254-255.
Texte dans COMBY Jean, Deux mille ans d'évangilisation. Histoire de l'expansion chrétienne, Collection
Bibliothèque d'Histoire du Christianisme, N° 29, édit., DESCLEE, Paris, 1992, p., 66.