"Nous nous réjouissons dans le Seigneur et vous félicitons vivement de ce que nous avons appris à votre sujet par
notre vénérable Frère l'évêque du Maroc. A l'exemple des princes catholiques et marchant sur les traces de vos prédécesseurs qui ont garanti par les privilèges la liberté de l'Eglise du Maroc et
ont enrichi cette Eglise de nombreuses datations, vous l'avez protégée, non seulement contre les assauts et les violences des méchants et des ennemis de la foi chrétienne; mais d'une main
libérale et par esprit de religion, vous avez, dans votre munificence, augmenté son indépendance et ses franchises. Vous avez soutenu les chrétiens introduits sur votre territoire par vos
prédécesseurs et vous les avez aidés par des secours accordés à propos. Nous sommes donc porté à croire qu'il est dans votre intention de favoriser l'accroissement des saints lieux et de la
population chrétienne placés sous votre domination. C'est un but digne de vos voeux et de vos ardent efforts. Poursuivez-le pour faire briller en vous l'illustre nom de vos aïeux et pour que le
monde vous mette au rang des monarques grands par la Vertu; nous comprenons comment la Providence du Sauveur a conduit admirablement vos pas lorsque, fortifié par ceux qui invoquent le nom du
Christ, vous avez repoussé les attaques de vos adversaires (il s'agit des Mérinides), la violence de leurs armes et vous êtes même enrichi de leurs dépouilles ravies par votre courage."
Mais, ajoute-il, il est à craindre que l'ennemi, par un stratagème imprévu, ne les surprenne sans défense en tombant sur eux à l'improviste. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, après avoir été massacrés,
comme vous ne l'ignorez pas, sur plusieurs points de votre royaume, ils finissaient par être entièrement écrasés, c'en serait fait d'eux et de leurs biens, et il en résulterait pour vous et votre
empire un dommage irréparable. Il faut donc prévenir ce péril par un moyen prompt et assuré.
C'est pourquoi nous prions votre Royale Sérénité et la pressons instamment, par ces lettres, de désigner un certain nombre de place fortifiées de son Empire où les chrétiens aient toute facilité
de se réfugier en cas de besoin, et de leur confier quelques ports où ils puissent mettre à la voile, si la nécessité l'exige ou si l'utilité le demande, et y rentrer avec des secours promptement
amenés pour la défense des biens et des personnes. Votre Sérénité ne perdrait point le haut domaine sur ces places.
Nous croyons que cette mesure ne serait pas moins avantageuse au Roi qu'aux chrétiens et qu'elle contribuerait également au bien commun et à l'accroissement du royaume.
En finissant, nous souhaitons que, pour l'honneur de Dieu et du Siège Apostolique, vous soyez disposé en faveur de l'évêque dont nous avons parlé, des Frères de son Ordre et de vos sujets
chrétiens, soit pour les mesures que nous vous proposons soit pour les autres affaires dans lesquelles ils auraient recours à vous, afin que Dieu vous accorde longues années sur la terre et que
vous obteniez par ces bonnes oeuvres et d'autres encore, d'arriver à la lumière de la vérité.
Quant aux communications que cet évêque vous fera de notre part, relativement au salut de votre âme, recevez-les avec la même confiance que si vous les recueilliez de notre bouche.
Donné à Lyon, le 2 des calendes de novembre, le quatrième année de notre pontificat (31 octobre 1246)".