La même année (1114), comme des frères de notre monastère revenaient de Sardaigne, des pirates Sarrasins, tombant
sur eux, les emmenèrent captifs en Ifrîqiya, ce qu'apprenant, notre abbé se préoccupa d'envoyer là-bas le prix de leur rachat; mais ceux qui portaient furent poussés en Sicile par la tempête. A
cette nouvelle la magnifique comte Roger, par amour de notre très saint père Benoît, envoya ses messagers au roi de la ville de Calama, que les Sarrasins appellent Alchila, lui demandant de
renvoyer nos frères à ce monastère, s'il désirait vivre en paix et en amitié avec lui. Le roi de Calama consentit à toutes ses demandes et remit les frères aux envoyés du Comte; mais dégà Azzon,
doyen de ce saint lieu, était mort en captivité. Nos frères, passant par Africa (Mahdiya), vinrent en Sicile, y furent accueillis avec honneur par le Comte et renvoyés à notre
monastère.
Je crois qu'il vaut la peine de joindre à mon oeuvre le récit de ce que Dieu tout puissant a fait pour proclamer
les mérites dudit doyen. Celui-ci donc étant mort en cette province, son corps fut enseveli dans l'église de Notre-Dame, devant l'autel. Il arriva qu'au milieu du silence d'une belle nuit, des
Sarrasins passant par là, au clair de lune, yirent le doyen assis dehors près de la porte de la basilique, tenant un livre à la main. Stupéfaits, ils se mirent à appeler d'autres Sarrasins
disant: "Accourez vite, accourez, dépêcher-vous! Nous avons vu assis devant la porte de l'église le prêtre chrétien qui mort ce mois-ci". Les autres, à ces mots, sortient des portes de la ville
et se dépêchèrent de venir. Au moment où ils approchaient de lui, l'homme de Dieu s'engagea sur le seuil de la basilique et disparut en atteignant la porte.
Un jour le sacristain entrant dans l'église trouva allumée la lampe suspendue au-sessus du tombeau d'Azzon. En
colère, il appela le garçon qui faisait avec lui le service de l'église et lui fait dit: "Pourquoi as-tu laissé la lampe allumés?" Le garçon répondit: "Quand j'ai fermé l'église, j'ai éteint
toutes les lumières; je ne sais pas qui a allumé celle-ci". L'homme, pressentant ce qui s'était passé, éteignit la lampe et ferma l'église; le lendemain entrant dans l'église il trouva la lampe
allumée. Cela arriva plusieurs fois, On en informa le roi des Sarrasins. Celui-ci surpris de ce prodige et soupçonnant une fraude des chrétiens, charge des Sarrasins d'éteindre la lampe et d'en
retirer l'huile. Cela fut fait, mais quand ils entrèrent le lendemain dans l'église, ils trouvèrent la lampe allumée et de l'eau brûlant en guise d'huile. Ils sortirent en courant, vinrent
trouver le Roi et lui racontèrent dans l'ordre tout ce qui était arrivé. Le Roi fit éteindre la lampe et afin qu'aucun chrétien ne pût entrer dans l'église, il donna ordre qu'elle fût surveillée
jour et nuit par des Sarrasins, qui obéissant à ses ordres commencèrent à la garder. A la nuit tombante, les Sarrasins surveillaient l'église. Stupéfaits, ils ouvrent les portes de l'église,
voient la lampe allumée et courant en hâte vers le palais du Roi, lui racontent point par point ce qu'ils ont vu. Le Roi entendant ce récit de la bouche de ses gens, refusa de les croire, ordonna
d'éteindre la lampe et de garder l'église comme auparavant puis il se leva et alla à la maison du Khalifa qui regardait l'église (Luminabat; ou qui dominait l'église, imminebat; ou qui était
auprès de l'église, liminabat). La nuit était maintenant venue. Levant les yeux au ciel, il vit l'étoile rayonnante au-dessus de la lampe de l'église et l'allumant d'un rayon. Les Sarrasins
envoyés aussitôt à l'église revinrent en annonçant que la lampe était allumée. Alors le Roi publia une décision autorisant les chrétiens à entrer librement dans l'église... .
DE CENIVAL P., Le prétendu Evêché de la Qalca des Banî Hammâd, Hesp., T., XV, fasc., I, 112, pp., 3 à
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