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Histoire du Maghreb تاريخ المغرب الكبير

La géographie d'al-Bakrî et la survivance du christianisme.

La deuxième source arabe importante, après la géographie d'al-Yacqîbî, sur la survivance du christianisme au Maghreb est la géographie d'Abû cUbayd Allâh al-Bakrî al-Andalusî. Dans son ouvrage al-Masâlik wa al-Mamâlik, al-Bakrî avait fourni des informations sur la présence de chrétiens, l'état des édifices de culte et des légendes se rapportant à la foi chrétienne.

Dans la ville de Barqa, il y avait plusieurs tribus, en particulier des Luwâta et des Afâriq. Al-Bakrî signale la présence de tribus des Afâriq, donc d'une population qui représente un poids sur le plan démographique dans les faubourgs de la ville de Barqa et qui avait subi l'influence de la civilisation romaine. La population des Afâriq avait bénéficié d'un statut de paix conclu avec le général arabe cAmr b. al-cÂs. Leur présence dans les alentours de la ville est sûrement lié à leurs activités dans les terres d'agricultures et d'élevages, dans une ville où «les troupeaux prospèrent et multiplient dans les pâturages des environs». Le commerce de la ville de Barqa avec l'Égypte a été très florissant, les habitants exportent les animaux de consommation, de la laine, du miel et du goudron. Les Afâriq ont participé à des activités économiques, puisque le statut qu'ils avaient eu au moment de la conquête de la ville leur permet d'avoir une activité. Les musulmans étaient obligés de respecter le traité comme l'avait indiqué cAmr b. al-cÂs : «Voilà un traité dont on remplira à leur égard toutes les conditions».

Dans la ville d'Ajdâbiya, ces habitants, qui sont à la fois des commerçants, puisqu'ils possèdent des bazars très fréquentés et des cultivateurs de petits jardins, vivaient dans l'aisance. Pour al-Bakrî «ils sont presque tous des coptes, mais on trouve parmi eux quelques familles de vrais Luwâta». A la différence de Barqa ou les Luwâta étaient l'élément dominant de la population, Ajdâbiya était une ville à majorité chrétienne copte.

A la ville de Surt ou sirt, la population «parle un jargon qui n'est ni arabe, ni persan, ni berbère, ni copte; personne ne peut les comprendre, excepté eux-mêmes». Nous ne savons rien de ce parler qu’al-Bakrî nous signale, aucun texte ne laisse à supposer qu'il s'agit d'un des dialectes de la région soudanaise ou d'une langue ancienne du Maghreb.

A la ville de Tripoli, il y avait des habitants coptes dans les alentours, qui était habillés comme les berbères et parlaient la langue copte. Ils forment plusieurs villages à l'est et à l'ouest de Tripoli, sur une longueur de marche de trois journées.

La montagne de Nefûsa, a été peuplée par plusieurs tribus, en particulier des Nefûsa, dans la montagne tire son nom, Pendant la conquête arabe, cAmr b. al-cÂs avait soumis les Nefûsa qui étaient des chrétiens. Al-Bakrî nous signale l'importance de ces populations de la montagne par le fait qu'ils avaient refusé de sortir de leur pays, jusqu'à ce qu'ils aient eu une lettre du calife cUmar b. al-Khattâb, dans laquelle il leur attribue la protection. A la ville de Djaddû, qui fait partie des localités de la montagne, il y avait une forte concentration de population juive.

A Qasr Ibn Maymûn, al-Bakrî nous signale une tradition religieuse des Berbères, à trois journées de marche, les Berbères de la région ont une idole en pierre dressée sur une colline et appelée GEURZA. «Jusqu'à nos jours les tribus berbères des environs lui offrent des sacrifices; elles lui adressent des pierres pour obtenir la guérison de leurs maladies et lui attribuent le pouvoir de faire accroître leurs richesses». Cette stèle ou idole des Berbères de la région du château d'Ibn Maymûn à qui on fait des sacrifices montre que l'islamisation de la région jusqu'au XIe siècle reste superficielle par rapport aux principes fondamentaux de la religion musulmane, en particulier l'unicité divine (Wahdâniyat Allâh).

Dans l'oasis de Behneça, al-Bakrî nous rapporte une information sur la fête des arabes et des coptes, sous l'autorité de Mohamed Ibn Sacîd al-Azdî, natif de la ville de Sfax, qui avait visité l'oasis de Behneça où «il y trouva une population composée d'Arabes musulmans et de Coptes chrétiens. Au jour de la fête de ceux-ci, il vit circuler dans les rues de la ville un char sur lequel était un cercueil renfermant le corps d'un homme qu'ils nommaient Ibn Carma et qu'ils prétendaient avoir été un des disciples de Jésus-Christ... Ce char était traîné par des bœufs. Les endroits d'où ces animaux s'écartaient sans vouloir y passer étaient réputés impurs».

A Gabès les populations se compose d'Arabes et d'Afâriq, ces deux composantes dominantes selon al-Bakrî, tirent leurs richesses du travail de la soie et des jardins où toutes sortes de fruits sont plantés et arrosés par les eaux courantes de la montagne située au sud-ouest de la ville.

Parmi les anecdotes d'al-Bakrî sur les berbères Kutâma christianisés, il nous rapporte que «pendant la domination byzantine (Rûm), il y avait dans l'église de Chicca Benaria (Sicca Venaria) un objet bien curieux, un miroir, dans lequel tout homme qui soupçonnait la fidélité de sa femme n'avait qu'à regarder pour voir la figure du séducteur. A cette époque, les Berbères professaient le christianisme, et un homme de cette race, ayant montré beaucoup de zèle pour la religion, était devenu diacre. Un latin (Rûmî), jaloux de sa femme, alla consulter le miroir, et voilà qu'il y distingue les traits du diacre berbère. Le roi fit chercher le berbère, et le condamna...; puis il le chassa de l'église...». Les Kûtama, qui se sont illustrés dans la résistance berbère, étaient des alliés des byzantins. Ils étaient des chrétiens et al-Bakrî nous signale malgré l'anecdote du miroir, qu'il s'agit d'un homme diacre qui fréquente l'église de Sicca Veneria (Kef).

A la ville de Tobna, en particulier dans une banlieue de la ville, qui est très riche en jardins, al-Bakrî signale les guerres qui éclatent entre les habitants «d'origine arabe et ceux qui appartiennent à la race mixte». Dans ces affrontements, les premiers appellent à leur secours les arabes de Tahûda et de Sétif, tandis que leurs adversaires se font appuyer par les habitants de Biskra et des lieux voisins. Biskra où «la population appartient à la race mélangées» Al-Bakrî nous signale donc dans deux villes importantes du Maghreb des Muwalladûn né des mariages mixtes entre les ethnies qui cohabitent dans ces villes.

A Munastîr de cUtmân, un gros bourg à six journées de Qayrawân on trouve des Arabes, des Berbères et des Afâriq. Les Arabes sont des qurayshites qui constituent la classe des notables dans la ville.

L'admiration des monuments de la chrétienté est exprimée par des textes qui concernent les églises du Maghreb. Au bourg nommé al-Mughîra qui dépend de la ville de Baja, al-Bakrî nous fait une description des édifices d'al-Mughîra «qui renferment plusieurs églises, grands et beaux monuments de l'antiquité. Ces édifices, construit de la manière la plus solide, sont encore debout et très bien conservés; on croirait, à les voir, que les ouvriers viennent seulement d'y mettre la dernière main. Toutes ces églises sont revêtues de marbres précieux; les toits servent de retraite à une telle multitude de corbeaux que l'on croirait y voir assemblés tous les oiseaux de cette espèce qui existent dans le monde; on prétend qu'il y a là un talisman qui les attire». Dans la ville de Jazâïr Banî Mazghanna, al-Bakrî décrit les monuments antiques de la ville en particulier le théâtre solidement bâties il écrit : «On remarque un théâtre (Dâr al-Malcab : maison de divertissement), dont l'intérieur est pavé de petites pierres de diverses couleurs, qui forment une espèce de mosaïque. Dans cet édifice on voit les images de plusieurs animaux, parfaitement travaillées et façonnées d'une manière si solide que, pendant une longue série de siècles, elles ont résisté à toutes les injures du temps».

Dans la ville de Mila la population est composée d'Arabes, de gens de la milice et d'hommes de race mélangée. Dans les villes de Bentiûs situé dans la partie méridionale du Zab de Biskra, l'une de ces trois villes est habitée par «une peuplade de sang mêlé». Tolgha est composé de trois villes «une de ces villes est habitée par des gens de sang mêlé; l'autre par des Arabes d'origines yéménite, et la troisième par une peuplade appartenant à Qays (tribu arabe)». Dans la capitale du Maghrib central, Tlemcen, al-Bakrî signale la survivance de chrétiens et l'existence d'une église encore en service et fréquentée par les fidèles. Dans la ville de Ceuta, fief du comte Julien (dans les sources arabes Ilîyân), al-Bakrî signale les ruines des églises anciennes et la transformation de l'église principale en Mosquée. La ville de Tanger, que cUqba b. Nâfic avait prise d'assaut, al-Bakrî signale le traitement réservé à la population: «il tua toute la partie mâle de la population et emmena le reste en captivité», mais il ne signale aucune présence chrétienne bien que la ville ait été pendant des siècles la capitale de la région. Au côté de ces informations al-Bakrî signale les noms de plusieurs endroits et portes du Maghrib al-Aqsâ du passé chrétiens de la région comme «la rivière du comte Julien», l'endroit proche de la ville de Fès nommé l'église (al-Kanîsa), la côte des Afâriq et l'une des portes de Fès nommée porte de l'église (Bâb al-Kanîsa).

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