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Histoire du Maghreb تاريخ المغرب الكبير

De la véritable signification des termes bénéfice (rizq) et acquisition (kasb). On prouve que celle-ci est le prix du travail de l’homme (Ibn Haldun).


L'homme, dans tous les états et dans toutes les périodes de sa vie, depuis sa naissance jusqu'à l'époque où il est dans la force de l'âge, et depuis lors jusqu'à la vieillesse, est soumis par la nature à l'obligation de prendre de la nourriture et de se procurer la subsistance. Le riche (qui n'a besoin de rien), c'est Dieu, et les pauvres, c'est vous. (Coran, sour. XLVII, vers. 40.) Dieu, qu'il soit glorifié et exalté ! a créé pour l'homme tout ce qu'il y a dans le monde et lui en a fait don, ainsi qu'il l'a déclaré dans plus d'un verset de son livre. Il a créé pour vous, dit-il, tout ce qu'il y a dans les cieux et sur la terre. Et, encore : Il a fait travailler pour vous le soleil et la lune, et il vous a soumis la mer, et il vous a soumis les navires et les bestiaux. Nous pourrions citer encore plusieurs autres témoignages fournis par ce livre.
L'homme étend sa main avec autorité sur le monde et sur tout ce qui s'y trouve, par suite de la déclaration par laquelle Dieu l'établit dans cette terre comme son lieutenant. Les mains de tous les hommes sont ouvertes (pour prendre), et, en cela (seul), elles agissent de concert ; mais aucun individu ne peut se procurer ce qu'un autre a obtenu, à moins de lui donner quelque objet en échange. L'homme, sorti de la faiblesse de ses premières années p.320 et capable d'agir par lui-même, fait des efforts pour acquérir les choses dont il peut tirer un profit, et cela dans le but de les employer, si Dieu les lui accorde, comme moyens d'échange, dans le cas où il veut se procurer celles dont il peut avoir besoin ou qui lui sont d'une nécessité absolue. Dieu lui-même a dit : Cherchez donc auprès de Dieu le bénéfice (que vous désirez). (Coran, sour. XXIX, vers. 16.) Quelquefois l'homme obtient cela sans effort ; ainsi Dieu lui donne la pluie, qui favorise la culture des terres ; mais de tels dons ne sont que de simples secours et ne dispensent pas de travailler, ainsi qu'on le verra plus loin. Si les choses que l'homme parvient à acquérir sont en quantité suffisante pour subvenir à ses besoins et lui procurer le nécessaire, on les désigne, par le terme subsistance (ma-ach), et si elles sont en plus grande quantité, on les nomme richesses (riach) ou fonds. Ce que l'homme reçoit et ce qu'il acquiert s'appelle bénéfice (rizq), s'il en retire de l'utilité et s'il en recueille le fruit. Cela lui arrive quand il dépense ce qu'il a obtenu pour les choses dont il a besoin ou qui lui sont utiles. Le Prophète a dit : « Les biens que tu as réellement possédés, ce sont les mets que tu as consommés en les mangeant, les habits que tu as usés en les portant et les choses que tu as données en aumônes ». Ce que l'homme a obtenu ne doit pas s'appeler bénéfice s'il ne s'en sert pas pour augmenter sen bien-être ou pour subvenir à ses besoins. La possession des biens, quand elle est le résultat des efforts de l'homme et de sa force, se nomme acquisition (kasb). Il en est le même des successions : l'héritage, envisagé comme ayant appartenu au défunt, ne s'appelle pas bénéfice, mais acquisition, car le mort n'en a retiré aucun avantage ; mais, considéré comme appartenant aux héritiers, il prend ce premier nom, s'ils l'emploient utilement. Tel est le véritable sens du mot bénéfice, selon les docteurs orthodoxes.
Les Moctazilites permettent d'appeler bénéfice les biens laissés par un mort, pourvu que ces biens aient été acquis d'une manière légale. « Ce qui n'a pas été acquis ainsi, disent-ils, n'a aucun droit d'être ainsi dénommé ». Aussi refusent-ils ce titre à ce qui a été obtenu par violence ou par une voie illégale. Cependant Dieu accorde des bénéfices au spoliateur et à l'oppresseur, au vrai croyant et à l'infidèle ; il montre sa miséricorde et sa grâce directrice à celui qu'il veut. Ces mêmes docteurs appuient leur opinion sur d'autres arguments, mais ce n'est pas ici la place d'en donner l'exposition.
Maintenant il faut savoir que c'est au moyen de son propre travail et en visant au gain que l'homme parvient à acquérir ; il doit agir et travailler pour obtenir un bénéfice, quand même il chercherait à y parvenir par toutes les voies possibles. Dieu a dit : Cherchez votre bénéfice auprès de Dieu. Les efforts que l'homme fait pour cela dépendent du pouvoir que Dieu lui a concédé et des idées qu'il lui inspire. Tout bénéfice provient de Dieu ; tout ce qui est acquisition et tout ce qui est fonds et richesses ne provient que du travail de l'homme. Cela est évident quand ce travail consiste dans les efforts personnels de l'individu, comme le serait, par exemple, l'exercice d'un art.
Le gain qui résulte de l'élève des bestiaux, de la culture des plantes et de l'exploitation des mines ne peut s'obtenir non plus que par le travail de l'homme ; c'est ce qu'on voit partout. Sans le travail, ces occupations ne fourniraient aucun profit, ni aucun avantage. Ajoutons que Dieu a créé deux métaux, l'or et l'argent, pour représenter la valeur de tout ce qui est richesse. Aux yeux de la généralité des hommes, ce qui est trésor et gain consiste uniquement en or et en argent ; si l'on recherche d'autres matières, c'est uniquement dans le dessein de profiter des fluctuations du marché pour les vendre avantageusement, afin de se procurer de l'or et de l'argent. Quant à ces deux métaux, ils ne sauraient être un objet de trafic, puisqu'ils sont la base à laquelle se ramène tout ce qui est gain, acquisition ou trésor. Ayant maintenant établi ces principes, nous dirons que, si le fonds (ou les marchandises) dont p.322 on tire un avantage et un profit est le produit d'un art spécial, cet avantage et ce profit représentent le prix du travail de l'artisan, et c'est là ce qu'on désigne par le mot gain (kinya) ; le travail y est pour tout, mais ce n'est pas pour le travail lui-même qu'on veut bien se donner tant de peine. Il y a certains arts qui en renferment en eux-mêmes d'autres : celui du charpentier, par exemple, se rattache à celui du menuisier, et l'art de filer doit accompagner celui de tisser ; mais il y a plus de main-d'œuvre dans la menuiserie et dans la tisseranderie, ce qui fait que le travail y est plus rétribué.
Si le fonds qu'on possède n'est pas le produit d'un art, il n'en faut pas moins faire entrer, dans le prix de ce produit qu'on a obtenu et acquis, la valeur du travail que l'on y avait mis. Car sans le travail rien ne s'acquiert. Seulement dans la plupart des cas, il est facile de reconnaître que l'on y a tenu compte de la valeur du travail et qu'on lui a assigné un prix plus ou moins grand ; mais, dans quelques autres, on ne s'en aperçoit pas. C'est ce qui a lieu pour la généralité du monde en ce qui regarde le prix des comestibles. Quand on fixe le prix des grains, on tient certainement compte du travail et des frais que leur production a exigés, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus ; mais cela échappe à l'attention des personnes qui habitent des contrées où les charges qu'entraîne la culture de la terre sont très légères : quelques cultivateurs seulement se doutent de ce qui en est. En faisant voir que les avantages et les profits (dérivés des arts et du commerce) représentent en totalité ou en grande partie la valeur du travail de l'homme, nous avons rendu clair le sens du terme bénéfice, montré que c'est la chose dont on a tiré de l'utilité, et indiqué ce que nous devons entendre par le mot acquisition.
Il faut maintenant savoir que si le décroissement de la population a fait diminuer ou cesser les travaux dans une ville, cela annonce que Dieu a enlevé aux habitants de cet endroit les moyens d'acquérir des richesses. Voyez les villes où il y a peu de monde ; les bénéfices et les profits sont bien faibles, parce qu'on n'y fait pas de grands travaux. On peut aussi conclure de là que, dans les villes où l'on travaille beaucoup, les habitants sont très riches et jouissent d'une grande aisance. Cela résulte du principe que nous avons déjà établi. Les gens du peuple s'énoncent conformément aux idées exposées dans ce chapitre quand ils disent d'un pays déchu de sa prospérité qu'il a perdu ses bénéfices. (Dans de tels pays, la ruine se propage) au point que les ruisseaux et les sources disparaissent et n'arrosent plus les plaines. En effet, pour avoir des cours d'eau, il faut nettoyer les sources et puiser de l'eau dans des puits, c'est-à-dire, il y faut le travail de l'homme. C'est ainsi que, pour avoir du lait, il faut l'extraire du pis de l'animal. Si l'on a discontinué de curer les puits et d'en tirer de l'eau, ils finissent par se tarir et rester à sec ; de même que les animaux ne fournissent plus de lait quand on a cessé de les traire. Voyez les pays où l'on sait qu'il y avait des sources dans les temps de leur prospérité ; aussitôt que la dévastation s'y est répandue, les eaux ont cessé de couler, comme s'il n'y en avait jamais eu. Dieu règle les vicissitudes des nuits et des jours.

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